vendredi 31 décembre 2010

L'Europe présidée par un pays qui agresse la liberté de la presse

Le Parti populaire européen devrait être embarrassé par la loi sur la presse que vient de faire adopter un de ses partis membres, le FIDESZ, en Hongrie. La nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er janvier constitue, selon les organisations de défense de la liberté de la presse, une atteinte grave à un droit fondamental reconnu dans les traités européens.
Cette loi-bâillon encadre indument la presse, politise les nominations au sein des médias de service public, menace de sanctions et d’amendes outrancières les médias qui ne font pas preuve « d’équilibre » et fragilise dangereusement le droit des journalistes à protéger le secret des sources.
Dans une certaine mesure, le parti de (centre) droite mené par Viktor Orban reprend les mauvaises pratiques des héritiers du parti communiste hongrois, incapables d’envisager sereinement la liberté et le pluralisme de la presse.
En octobre 2002, lors du processus d’accession de la Hongrie, le PPE avait justement critiqué le gouvernement socialiste hongrois de l’époque en relevant les attaques officielles contre « le seul quotidien de centre droite du pays ».
Réuni à Estoril (Portugal), le PPE avait rappelé avec force « que la Hongrie, en tant que pays candidat à l’adhésion, doit remplir les critères de Copenhague, parmi lesquels la liberté de la presse est un élément politique crucial ».
Aujourd’hui, la Hongrie étant membre de l’Union et, de surcroît, présidente pour six mois du Conseil, le PPE n’a rien à redire à son parti membre. Comme il n’a rien eu à redire contre son allié italien, Berlusconi, coupable lui aussi de saper la liberté et la pluralité des médias. La vérité est partisane et les grands principes sont fluctuants...
Or, certains pays où règnent des partis démocrates-chrétiens, en Allemagne et au Luxembourg notamment, des voix officielles se sont élevées contre la loi hongroise et ont demandé à la Commission européenne de déterminer si Budapest viole l’esprit et la lettre des traités européens.
Jusqu’ici la réaction de la Commission a été très prudente. La « gardienne des traités » est bien plus prompte en effet à défendre la liberté de commercer que la liberté d’expression. Mais l’enjeu est fondamental pour le projet européen. A supposer qu’il en reste un, diront les cyniques.
Pour contredire ces derniers, l’année européenne devrait commencer en fanfare, sans laisser le moindre répit à ceux qui en « intégrant l’Europe », désintègrent son projet démocratique.

lundi 27 décembre 2010

La neige recouvre tout, même l'info

La neige est bien sûr un sujet légitime de l’actualité et il est inévitable que les rédactions accordent une place importante à cette information qui constitue une « rupture » par rapport à la normalité.
Mais la célébration du chasse-neige ne chasse-t-elle pas aussi les autres infos?
Heureusement qu’il y a la neige, diront certains, pour ne pas parler, ou si peu, de la persécution des chrétiens d’Orient, de la chasse aux sorcières en Iran ou des attaques des Talibans.
Heureusement qu’il y a cette couche de glace qui nous permette de recouvrir les attentats au Pakistan, l’enfermement des dissidents chinois ou les violences des narcotrafiquants au Mexique.
Heureusement que cet hiver exceptionnel permette d’oublier, jusque quelques jours, la durée exceptionnelle elle aussi des négociations visant à la formation d’un nouveau gouvernement.
Heureusement que le chaos dans les aéroports ne soit cette fois que la conséquence du climat et non pas l’expression de la colère des syndicats.
Heureusement qu’il y a le froid pour prouver notre zeste d’humanité en montrant ces bons samaritains, qui font le tour des coins où se terrent les SDF.
Il n’y a finalement que les Ivoiriens pour nous gâcher ce Noël blanc, avec leurs deux présidents et les menaces de dérapages sanglants.
Attention, sous la neige soyeuse, l’actualité n’est que verglas…

samedi 25 décembre 2010

Cathy Ashton et la dernière mauvaise idée 2010.

Selon le blogger Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles2), un « pro britannique » de la communication, Frédéric Michel, pourrait bien devenir le « communicant » de Cathy Ahston, la haute-représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne.
Mme Ashton, dont la nomination avait suscité de vives critiques, notamment lors de son examen de passage au Parlement européen, n’a pas réussi à établir son autorité au cours de sa première année de mandat. Les persiflages continuent à circuler dans les couloirs et les bureaux des institutions.
Fidèle à son réflexe de répondre aux problèmes de substance par des politiques d’image, l’Union européenne espère qu’un magicien de la « com » pourra pallier ces insuffisances.
Le conseiller de Cathy Ashton serait Frédéric Michel, actuel directeur pour les Affaires publiques Europe du groupe de presse Murdoch, et co-fondateur avec l’ex-commissaire européen britannique Peter Mandelson du Policy Network, un centre d’études proche de la « troisième voie » de Tony Blair.
Les qualités professionnelles de Frédéric Michel ne sont pas en cause, il dispose en effet d’un CV de qualité, mais son association avec le groupe Murdoch est préoccupante pour la philosophie de communication et d’information de l’Union européenne.
Propriétaire du Sun à Londres, un journal connu pour ses méthodes journalistiques peu honorables, et de Fox New, la chaîne de promotion du Tea Party aux Etats-Unis, le groupe Murdoch a constamment affiché ses opinions anti-européennes.
Même s'il possède des titres respectables comme le Times, il a également contribué à dégrader le journalisme et à saper le discours démocratique presque partout où il opère. Dans les années 90, ce groupe avait même expulsé la BBC de son bouquet satellite diffusé en Chine et refusé de publier les mémoires de l’excellent Chris Patten, dernier gouverneur britannique de Hong Kong et futur commissaire européen.

Même si cette approche de la Chine ne devrait pas déplaire à Mme Ashton, dont l’attachement aux droits humains est guidé par le « réalisme », cette image « murdochienne » n’est pas celle que devrait donner une Union théoriquement fondée sur des valeurs de raison et de liberté.
L’Europe n’a pas besoin de plus de communication, mais d’idées fortes, de courage et de convictions. Robert Schuman a réussi son rêve européen sans « spin doctor » ni « communicant ». Il est vrai qu’il avait quelque chose à dire….

A lire : le blog de Nicolas Gros-Verheyde
http://www.bruxelles2.eu/politique-etrangere/service-diplomatique/un-pro-britannique-de-la-communication-pour-soigner-l%E2%80%99image-de-cathy-ashton.html

Vargas Llosa met en garde contre l'islamisme mais aussi contre les risques de l'antiislamisme

Le 19 décembre à Santiago, devant un parterre de personnalités de la droite latino-américaine et espagnole, Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de Littérature 2010, a prononcé un discours politique qui a été retenu de manière assez différente par ceux qui l’ont entendu.
L’AFP a choisi de résumer la conférence de l'écrivain en titrant sur sa condamnation de l’islamisme radical. L’auteur a effectivement comparé l’islamisme au communisme du temps de la guerre froide, sans lui prêter toutefois la même force.
Rien de bien neuf, en fait, dans ces propos: Vargas Llosa a régulièrement critiqué les périls de l’intégrisme musulman dans ses chroniques du quotidien El Pais. En quoi sa déclaration était-elle une « nouvelle » justifiant la publicité que lui a donnée l’AFP?
Etrangement, dans son résumé du discours, le site de Libertad y Desarrollo, le centre d’études conservateur qui a accueilli l’écrivain péruvien, ne consacre qu’une seule ligne à cette mise en garde à propos de l’islamisme.
En fait, la déclaration la plus importante de ce discours aurait pu être ce que la dépêche de l’AFP mentionne tout à la fin de son texte : la condamnation par le très libéral Vargas Llosa des mesures liberticides adoptées par les gouvernements démocratiques pour combattre le terrorisme et l’extrémisme. « La terreur a souvent conduit les démocraties à renoncer à des conquêtes démocratiques fondamentales, mais nous ne pouvons pas nous le permettre. La démocratie ne peut commencer à utiliser les armes des terroristes », a-t-il déclaré.
Mettre cette analyse en titre aurait eu, sans doute, plus de sens car l’auditoire de l’écrivain était composé de chefs d’Etat peu suspects de tolérance à l'égard du radicalisme islamique mais directement visés par sa mise en garde en faveur des libertés, en particulier l’ancien président espagnol Aznar, partisan de la guerre en Irak, et l’ex-chef d’Etat colombien Alvaro Uribe.
Le journalisme est un exercice étrange qui permet de créer, d'imposer, diront certains,la hiérarchie des informations et de mettre en exergue des faits par rapport à d'autres. Au risque de déformer la représentation du monde.
Si l'on se réfère à la recension de Libertad y Desarrollo, le discours de Mario Vargas Llosa, apparemment consacré selon la dépêche de l’AFP à l’islam radical, a autant, sinon davantage, traité de la fin du communisme, de la corruption en Amérique latine, de la répression à Cuba et des menaces d’autoritarisme au Venezuela…

jeudi 16 décembre 2010

Lu pour vous: la fin du microcrédit?

Le monde est ainsi fait qu'il vit au rythme des modes et des dogmes. L'aide au développement n'échappe pas à ce phénomène de la pensée conforme. Depuis quelques années, le micro-crédit est décrit dans des milieux influents de la coopération comme "la" formule idéale de lutte contre la pauvreté. D'autant plus qu'il prétend promouvoir une responsabilisation des personnes démunies. Au lieu de leur donner de l'argent, on leur prête ce qui est présenté comme le levier de leur autonomisation.

Quelques voix avaient bien tenté de formuler des réserves et des objections, fondées sur l'observation des conditions réelles dans lesquelles se pratiquait le micro-crédit sur le terrain, mais elles étaient "hors la mode" et dès lors inaudibles.
L'euphorie semble aujourd'hui relever du passé. De plus en plus de rapports remettent le "mythe" du microcrédit en perspective et constatent que finalement, la plupart des prêts débouchent sur des échecs. Newsweek vient d'y consacrer un court papier intitulé le "microbordel" (micromess) qui reprend en particulier une étude particulièrement négative du MIT (Massachusetts Institute of Technology)sur le bilan d'une expérience de microcrédit en Inde. Le taux de succès serait de 5%.
Les chiffres seraient similaires dans d'autres pays, note Newsweek. En raison principalement du hijacking du concept par les banques privées, des taux d'intérêt exorbitants et du manque de formation et d'expérience des "bénéficiaires".
L'heure de l'introspection est venue. En espérant que cette fois, une mode tout aussi aveuglante ne succède au dogme déchu.

samedi 13 novembre 2010

Une cyberattaque chinoise?

La Chine a-t-elle lancé une cyber-offensive contre les organisations internationales qui la critiquent ? La semaine dernière, les employés du Comité de Protection des Journalistes de New York (Nda: dont je suis senior advisor) ont reçu un courriel d’invitation personnelle à la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix, en décembre à Oslo. Il y a quelques jours, c’était au tour d’Amnesty International Hong Kong de recevoir ce message.
L’invitation contenait un dossier attaché- sous la forme d’un document PDF Adobe- qui cachait un malware, c’est-à-dire un virus particulièrement malicieux capable de prendre possession de l’ordinateur, de créer ou d’éliminer des dossiers, de détourner l’ordinateur pour attaquer d’autres cibles ou, plus simplement, d’enregistrer l’activité de l’Internaute.
Pour en savoir plus sur ce malware, je vous conseille de lire le blog de Danny O’Brien, coordinateur Internet du Committee to Protect Journalists.

http://cpj.org/internet/2010/11/that-nobel-invite-mr-malware-sent-it.php

lundi 8 novembre 2010

La Chine se mêle de nos affaires

Depuis l'octroi du Prix Nobel de la Paix à Liu Xiaobo, la Chine n'a de cesse de condamner l'outrecuidante ingérence des pays occidentaux dans ses affaires intérieures. Or, violant elle-même ces principes de souveraineté, elle s'est lancée dans une campagne globale d'intimidation afin de perturber la cérémonie de remise du Prix en décembre prochain à Oslo.
Les ambassades chinoises ont fait des démarches auprès de plusieurs pays, dont la Belgique.
La réponse des pays démocratiques sera un test. Déjà certaines d'entre elles se sont gardées de demander la libération de Liu Xiaobo, se limitant à féliciter le lauréat pour son Prix.
A Oslo, il faudra donc prendre les présences pour s'assurer que personne ne cesse au chantage de la Chine, une puissance décrite par certains comme "benveillante" et "tranquille".

vendredi 16 juillet 2010

Tunisie, sous la plage les cachots

Les dictateurs n’attendent pas toujours les vacances pour perpétrer leurs mauvais coups, comme je prévenais dans un précédent article, mais c’est tellement plus facile de frapper lorsque le soleil de juillet –ou la furie des orages en Europe – détournent l’attention du public.
Le régime tunisien du président Ben Ali vient, en tout cas, de démontrer que si des centaines de milliers de touristes se prélassent sur les plages, lui, ne prend pas de vacances.
Les autorités viennent en effet de renvoyer en prison Fahem Boukadous, correspondant de la chaîne de télévision satellitaire Al-Hiwar al-Tunisi, alors qu’il venait de quitter l’hôpital où il avait été traité pour problèmes respiratoires.
Boukadous a été condamné à 4 ans de prison sous l’accusation « d’association criminelle ». En fait, comme le rappelle le Comité de protection des journalistes (CPJ, New York), il avait surtout, au grand déplaisir du gouvernement, couvert des protestations sociales dans la région minière de Gafsa en 2008.
Les Etats-Unis se sont dits "profondément inquiets" d'un recul des libertés en Tunisie et la France a affirmé son attachement "à la liberté d'expression" en Tunisie suite à l'annonce du verdict.
Rappelons que la Tunisie est en passe de recevoir le « statut avancé » de l’Union européenne, une décision qui devra normalement être prise lors de la présidence belge.

vendredi 28 mai 2010

Bruxelles, capitale européenne. Pour combien de temps encore ?

Bruxelles-national. L'expression est symptomatique. Les voyageurs internationaux n’ont guère eu l’impression mercredi soir d’atterrir dans un aéroport international, qui plus est l’aéroport de la capitale de l’Union européenne.
Arrivés sur le quai de la gare SNCB, censée offrir des navettes rapides et fréquentes vers Bruxelles, les voyageurs se sont retrouvés devant un panneau annonçant des retards de 20 à 30 minutes. L’impondérable (une alerte à la bombe à la gare de Schaerbeek) serait acceptable s’il déclenchait un système efficace d’information aux voyageurs. Las ! La SNCB est coutumière de l’incommunication et, de surcroît, à Zaventem, ce soir-là, la seule information que j’entendis le fut, sauf distraction, uniquement en néerlandais.
Quand le train s’ébranla finalement en direction de Bruxelles, il fallut attendre le passage de la frontière linguistique pour que le panneau installé au-dessus de la porte du wagon devienne bilingue, ce qui ne résolvait pas le problème de ceux qui comptent sur leur connaissance même sommaire de l’anglais pour s’y retrouver dans le monde globalisé des gares et des aéroports.
Autour de moi, l’irritation était palpable et j’entendis même quelques jurons et insultes en plusieurs langues à l’encontre de la Belgique et de ses habitants.
Comment ne pas relier cet épisode ferroviaire aux remarques déplaisantes, de plus en plus fréquentes, sur le chaos belge et « les conclusions qu’il faudra un jour en tirer », comme le signalait une journaliste allemande lors du Congrès de la Fédération internationale des journalistes à Cadix.
« Votre pays devient de plus en plus ingérable, ajoutait un collègue danois. Vos conflits communautaires portent atteinte à la législation européenne. Vous vous payez une crise au moment de votre présidence européenne. Méfiez-vous : Bruxelles pourrait bien perdre un jour le siège des institutions ».
Dans les coulisses, Bonn se présente comme une alternative sérieuse et stable, même si l’Allemagne, déjà trop puissante, suscite des réticences. Mais d’autres villes adoreraient pouvoir ravir à Bruxelles cette manne économique et ce prestige qu’offre le titre de capitale européenne ». "Pourquoi pas chez nous", disait, sans rire, un Tchèque, ou chez nous, renchérissait un Autrichien, tout aussi sérieux.
Blabla de congrès, agacements de voyageurs déprimés ? Attention, il y a des limites rouges que la Belgique ferait bien de ne pas franchir. Pour son avenir et celui de ses enfants.

Visa Schengen, ou comment l'Europe se tire dans le pied

La Commission européenne dépense chaque année des millions d’euros pour améliorer l’image de l’Europe dans la monde. Les oreilles ont dû siffler mardi au Berlaymont. Dans son discours d’ouverture du Congrès de la Fédération internationale des journalistes à Cadix (Espagne), Jim Boumelha, le président de cette organisation qui regroupe près d’un demi-million de « travailleurs des médias » n’a pas mâché ses mots. S'adressant à près de 300 journalistes internationaux, il a vivement dénoncé les tracasseries des ambassades européennes et les difficultés rencontrées par les délégués, notamment africains, lors de leurs demandes de visa.
Présente la tribune, la vice-présidente du gouvernement espagnole ne put qu’esquisser qu’un sourire gêné.
« Mais qu’est-ce qu’ils croient, que l’Europe c’est le paradis ? », nous confiait un journaliste africain. « Je n’ai aucune intention de m’y installer. Quand cesseront-ils de nous soupçonner de vouloir émigrer clandestinement ? ».
Une réaction partagée par une majorité des participants du Sud. Les ambassades européennes ne semblent pas comprendre qu’en appliquant avec zèle des directives inadaptées, elles vexent et pour longtemps les guides d’opinion des pays…qui sont la cible des tentatives de séduction de la communication européenne.

samedi 15 mai 2010

Oyez oyez, le New York Times s''est trompé

Avouons-le : nous journalistes n’aimons guère reconnaître nos conflits d’intérêt ni corriger nos erreurs. Il y a de longues années, un chef de service m’avait expliqué la logique de cette attitude : « les lecteurs qui savent corrigeront d’eux-mêmes et ceux qui ne savent pas n’ont pas besoin de savoir ». Imparable.
Ce n’est pas la philosophie du New York Times. Certes, ce journal n’est pas parfait mais, à la différence d’autres, il se soigne. Tous les jours, en page 2, il avoue ses fautes d’orthographes, corrige les citations tronquées, restaure la vérité des légendes des photos, rétablit l’exactitude d’une statistique ou d’une date. En page 2 et non pas en page 25, au centre de la page et non pas tout en bas d’une colonne de petites annonces.
Jeudi 13 mai, on apprenait ainsi qu’une certaine Lisa Daglin s’appelait en fait Lisa Daglian et que le nouveau ministre britannique des affaires étrangères n’était pas William Haig, mais Hague. En tout, 10 corrections sur un quart de page.
Ce même jour, le quotidien new-yorkais a aussi démontré qu’il pouvait parler sans peur ni faveur de l’un de ses actionnaires, le mexicain Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde, selon la revue Forbes.
Dans un article sur le fondateur des Légionnaires du Christ, Marc Lacey et Elisabeth Malkin notent les liens de Carlos Slim avec le révérend Marcial Maciel, un personnage sulfureux, reconnu coupable de multiples abus sexuels et désavoué, très tardivement, par le Saint-Siège.
« M. Slim, écrivent les deux journalistes, est apparu en public avec Maciel jusqu’en 2004, longtemps après la publication des premières accusations portées contre le révérend ».
Et pour que tout soit clair, les auteurs de l’article signalent que Carlos Slim est actionnaire du New York Times.
Et c’est pour cela que le lendemain, j’ai racheté le New York Times. Pour être sûr que la veille je n’avais pas lu des informations erronées. Pour montrer surtout ma reconnaissance à l’égard d’un journal qui place son devoir d’exactitude au-dessus de sa prétention de tout savoir.

dimanche 14 mars 2010

Jean Ferrat et la Rafle du Vel' d'Hiv

Pourquoi nous a-t-il fait ça ? Partir, nous quitter, alors que sur les écrans de France et de Navarre, des dizaines de milliers de personnes séchaient leurs larmes en regardant un film, la Rafle, qui rappelait si tragiquement l’une de ses chansons les plus graves et les plus émouvantes ?
Nuit et brouillard sur le Vel d’Hiv et les camps du Loiret.
« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers, Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent ».

Jean Ferrat était né Jean Tenenbaum et son père est mort à Auschwitz. Il était l’un de ces « indésirables », l’une de ces « vermines », dont la France de la bonne conscience confite et de l’eau bénite voulait se débarrasser.
Jean Ferrat, le « métèque », l’ « étranger », a contribué par ses chansons, sa tendresse, son engagement, à la grandeur d’un pays qui a toujours été le sien non seulement parce qu’il y était né mais surtout parce qu’il a incarné l’esprit de la France éternelle, c’est-à-dire l’expression en français d’une conception universelle de l’humanité.

Honte à la France officielle, celle des pétainistes et des suivistes. Dans la Rafle, elle apparaît dans toute sa bassesse: l'épicière qui ne vend que des produits aryens, le gendarme qui donne "sa parole d'officier français" que les raflés ne quitteront pas la France, les vautours qui se ruent sur les biens juifs abandonnés, les fonctionnaires qui font consciencieusement et immoralement leur boulot et qui, à la Libération, seront promus pour leur zèle.

Cette France-là, cette France tout aussi éternelle des racistes et des frontistes, n’aurait jamais pu chanter que « la montagne est belle », elle était incapable «d’aimer à perdre la raison », elle se serait moquée de « que serais-je sans toi ».

Honte à ceux qui pendant des années imposèrent le silence sur cette ignominie, en prétendant que toute la France avait été résistante.
« Les Allemands guettaient du haut des miradors, chante Jean Ferrat.
La lune se taisait comme vous vous taisiez,
En regardant au loin, en regardant dehors,
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers. »

La Rafle nous rappelle, et à beaucoup elle apprend, qu’il y avait aussi des Français qui guettaient du haut des miradors, que les 4000 enfants du Vel d'Hiv furent aussi poussés par des mains françaises, celles des gendarmes, dans les camions et les trains de la mort.

Honte à ceux qui protégèrent les tueurs et les collabos, comme ce René Bousquet qui apparaît dans ce film comme le complice misérable de la barbarie nazie.
Honte au « vichysto-résistant » François Mitterrand, qui protégea cet assassin.

Comme le déclara Pierre Moscovici, du parti socialiste, lorsqu’il apprit les liens entre Bousquet el celui qui avait incarné les rêves de la gauche. « Ce qui me choque c’est qu’il ait pu frayer avec quelqu’un qui a été un outil de l’antisémitisme d’État et un complice de la solution finale du Reich. On ne peut pas tolérer d’être tolérant envers le mal et, pour moi, René Bousquet c’était le mal absolu ».

Allez voir la Rafle, écoutez les chansons de Ferrat.
« On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire »,

Rappelez-vous quand même qu'il y eut des Justes, des Français qui cachèrent des Juifs et dont le film rappelle furtivement l'action.

Au moment où l’Italie fiche les Roms, au moment où le populisme d’extrême droite progresse en Flandre, aux Pays-Bas, en Autriche ou en Hongrie, refusons l’oubli et le pardon.
Pour éviter que Serge Reggiani ne chante : « Les loups, les loups, sont entrés dans Paris. »

mercredi 24 février 2010

Daniel Ortega, hostile à l'avortement en toutes circonstances et membre de l'Internationale socialiste

Le refus des autorités nicaraguayennes d’accorder un traitement médical à une femme enceinte et atteinte du cancer a provoqué de vives réactions au niveau international. Ce refus, notent la plupart des associations médicales ou féministes, condamne la mère à une mort certaine.
Amalia (son nom a été modifié), âgée de 27 ans, est enceinte de 10 semaines. Le 2 février 2010, on a diagnostiqué chez elle un cancer qui a peut-être déjà atteint le cerveau, les poumons et les seins.
Les autorités du Nicaragua dissuadent les médecins de lui administrer un traitement contre le cancer pendant sa grossesse, car le personnel médical s'exposerait à des poursuites pénales s'il causait du tort au fœtus, même involontairement, lors du traitement.
En dépit des protestations, le gouvernement sandiniste du président Ortega est resté intransigeant. Il applique mécaniquement la législation qu’il avait fait voter en 2008, interdisant l’interruption de grossesse en toutes circonstances, même en cas de viol ou de risque pour la mère.
En 2009, Amnesty International avait déjà condamné la politique adoptée par le Nicaragua. « L’interdiction totale de l'avortement au Nicaragua met en danger la vie de femmes et de jeunes filles, les privant de soins médicaux qui pourraient leur sauver la vie, empêchant les professionnels de santé de pratiquer une médecine efficace et contribuant à l'augmentation de la mortalité maternelle dans le pays, avait conclu Amnesty International dans un rapport publié le 27 juillet 2009.
Selon des chiffres officiels, 33 femmes et jeunes filles sont mortes au cours de leur grossesse depuis le début de l'année 2009, contre 20 sur la même période en 2008. Amnesty International estime que ces chiffres sont en-deçà de la réalité, le gouvernement lui-même ayant reconnu que le taux de mortalité maternelle est sous-évalué.
« Il est choquant que le Nicaragua prive une patiente atteinte d'un cancer de soins qui pourraient lui sauver la vie au motif qu'elle est enceinte, a déclaré Esther Major, responsable des recherches sur l'Amérique centrale à Amnesty International.
« La situation d'Amalia illustre clairement les répercussions de cette loi draconienne et montre à quel point il est urgent de l'abroger, car elle empêche de prodiguer des soins en temps voulu et fait obstacle à un jugement médical éthique. Chaque jour compte pour les chances de survie d'Amalia et les autorités nicaraguayennes doivent prendre immédiatement des mesures afin qu'elle reçoive tous les soins nécessaires au traitement de son cancer. »


PETIT RAPPEL

Le gouvernement du Nicaragua est qualifié de « régime de gauche » en Amérique latine. Par ailleurs, le Front sandiniste fait partie de l’Internationale socialiste.
Que pasa ? C’est pour ce genre de parti opportuniste que des millions de gens s’étaient mobilisés dans les années 80 ? Quelle est la réaction du leader du socialisme du XXIème siècle, Hugo Chavez, face à cette situation ? Et que sera l’attitude de l’Internationale socialiste et surtout de ses organisations féministes face à cette attitude du gouvernement nicaraguayen, plus proche de Pie XII que de Leon Blum ?
Dans les années 1970, le Front sandiniste de libération nationale avait suscité l’enthousiasme dans tous les milieux progressistes d’Europe et d’Amérique latine. La « petite armée folle » des héritiers du héros libéral et nationaliste des années 30, Augusto Cesar Sandino, s’était lancée à l’assaut d’un des régimes les plus brutaux et corrompus d’Amérique centrale, la satrapie des Somoza.
Après la Victoria en 1979, le même enthousiasme avait animé tous ceux qui pensaient trouver à Managua un nouveau modèle révolutionnaire, plus démocratique et moins aligné que celui de Cuba.
Dès les premiers mois, certains avaient décelé les errements sandinistes, les dérives de leurs dirigeants, leur alignement et leur autoritarisme, mais ils s’étaient tus le plus souvent car ils craignaient d’apporter des munitions à l’administration Reagan et aux Contras, issus de l’ancienne dictature et de la droite nicaraguayenne.
En 1990, la défaite du FSLN fut largement attribuée à l’épuisement provoqué par la guerre menée à partir de Washington. Les fautes des sandinistes furent le plus souvent minimisées ou ignorées.
Et puis le Nicaragua disparut des écrans. Le Front sandiniste se déchira, se divisa et Daniel Ortega, qui avait présidé le régime sandiniste lors des années de pouvoir et de guerre, entama une longue marche qui le conduisit à remettre en cause tous les grands principes de la Révolution. Il se rapprocha de politiciens de droite corrompus, s’allia à la très conservatrice Eglise catholique, mena une campagne virulente contre la presse indépendante et les ONG dérangeantes..
Sa réélection avec un bon tiers de voix seulement en 2006 fut interprétée par des observateurs borgnes comme un nouvel exemple du « virage à gauche » de l’Amérique latine, alors que le régime « orteguiste » bafoue les principes les plus essentiels du progressisme. Il ne suffit pas en effet d’être anti-américain pour être de gauche (Mussolini était anti-américain...) et l’alliance avec des tyrans comme Ahmadinejad n’est pas, que je sache, un gage de progressisme.
Le régime nicaraguayen est un modèle d’autoritarisme et de népotisme qui rappelle davantage Somoza que Sandino.
Quand tirera-t-on le rideau sur la prétention du Front sandiniste de se présenter sous la bannière des valeurs de gauche ?

dimanche 21 février 2010

A LIRE

Le premier budget militaire du prix Nobel de la Paix

Une étude fouillée de Luc Mampaey, chercheur au GRIP (Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité)

En voici le résumé rédigé par le GRIP
Selon le projet présenté le 1er février 2010 par Robert Gates, le budget militaire des États-Unis devrait dépasser les 700 milliards de dollars pour l’année fiscale 2011. Malgré ce chiffre impressionnant, les deux premiers budgets présentés par l’administration Obama marquent une nette rupture par rapport à ceux de George W. Bush, et témoignent d’une réelle volonté d’endiguer les dérives financières de plusieurs grands programmes d’armements, jusqu’alors réputés intouchables. Toutefois, il semble que ce retour à l’orthodoxie financière n’a été possible qu’au prix d’une sous-estimation de certaines dépenses et de reports d’investissements pourtant nécessaires. De plus, Barack Obama doit compter avec l’inertie et la cohésion d’un système militaro-industriel bien décidé à défendre ses positions et conforté par le climat de guerre permanente qui s’est installé depuis 2001. Dans ce contexte, il est illusoire d’attendre une inflexion déterminante de la trajectoire des dépenses militaires des États-Unis.

www.grip.org

samedi 20 février 2010

Le rapport annuel du Comité de protection des journalistes

Le CPJ, Committee to Protect Journalists, vient de publier son rapport annuel, intitulé Attacks on the Press. Mardi, quatre chercheurs ou conseillers du CPJ (Nina Ognianova, Elisabeth Witchel, Borja Bergareche et Jean-Paul Marthoz) sont venus à Bruxelles pour présenter les principaux résultats du rapport et demander à l'Union européenne de prendre la défense des journalistes et de la liberté de la presse partout dans le monde.
L’association, basée à New York et appuyée par les représentants les plus prestigieux du journalisme américain, estime à 71 le nombre de journalistes qui sont morts l’année dernière dans l’exercice de leur profession.
Philippines, Russie, Chine, Cuba, Tunisie, Somalie, Colombie, etc. Le rapport détaille la situation qui prévaut dans de nombreux pays qui se distinguent par l’insécurité dans laquelle travaillent les journalistes.
Il identifie aussi des tendances lourdes : le nombre de plus en plus important des journalistes freelances, le lourd tribut payé par les journalistes locaux généralement les plus exposés, le développement du journalisme en ligne et la répression dont il fait l’objet.
Des chapitres régionaux abordent des thématiques spécifiques : l’impunité des tueurs en Russie, l’espionnage des journalistes et de leurs sources en Colombie, la condamnation à l’exil des reporters africains, l’impact des conflits armés en Asie sur la sécurité des journalistes.
Mais le rapport n’est pas seulement une longue liste d’abus et de brutalités. Il démontre aussi que la mobilisation des journalistes en faveur de leurs collègues peut être efficace, que des gouvernements soumis à la critique font des concessions, qu’ils libèrent des reporters emprisonnés, comme Maziar Bahari en Iran, ou rouvrent des dossiers négligés.
Si la grande presse souffre d’une crise économique inédite, des milliers de blogueurs et de citoyens s’échinent à faire circuler l’information, et surtout l’information qui dérange les satrapes et les tyrans. Comme l’écrit Joel Simon, le directeur exécutif du CPJ, en dépit des bouleversements que traverse la planète média ou peut-être grâce à eux, la tactique du « name and shame » est plus que jamais efficace.
Le rapport nous rappelle aussi que la répression des journalistes ou leur exclusion des zones de conflits ne sont pas une affaire corporatiste. C'est l'ensemble de la société qui est affectée par la censure. Et l'absence d'images ou d'infos laisse les individus et les sociétés à la merci des dictateurs et des tueurs.

Note : Le rapport, préfacé par Fareed Zakaria, le célèbre chroniqueur de Newsweek et l'auteur de l’Empire américain et de L’avenir de la liberté, existe en version papier (360 pages). Il est téléchargeable sur le site du CPJ, www.cpj.org

Lu pour vous:

Elias SHAFAK, "Femme écrivain"
Dans l’édition de février de Time Out Istanbul, l’excellente Elias Shafak, auteure entre autres de La Bâtarde d’Istanbul, réfléchit sur le machisme des mots :
« En Turquie, le mot « femme écrivain » est souligné à tout bout de champ. Quand on est un « homme écrivain », personne ne vous appelle « homme écrivain ». Vous êtes un romancier. Ou un poète. Mais quand vous êtes une femme et romancière ou poétesse, vous êtes d’abord une femme et ensuite une romancière ou une poétesse. Comme le disait Virginia Woolf, notre plume doit être bisexuelle. Je ne crois pas à la littérature féminine au sens strict. Mais le fait d’être une femme affecte la manière dont je regarde le monde et certainement la manière dont le monde me regarde ».

Vladimir COSMA, compositeur français d’origine roumaine(Mariane, 13-19 février) a des choses à dire sur l’identité nationale
« Sarkozy, il voudrait être Johnny Halliday, mais il tiendra moins longtemps sur scène. Ce type s’est fait élire avec un slogan aussi vulgaire que « Travailler plus pour gagner plus » ! C’est innommable, travailler plus, pas pour vivre mieux, juste pour avoir plus d’argent, c’est sa seule valeur…C’est ça être un Français ?
Moi, je suis un émigré de 70 ans, né de parents roumains, qui travaille ici, depuis les années 50 ; avec leur définition (à Besson et Sarko, Ndlr.), je suis donc moins français que les Français…Je suis arrivé en France comme l’insecte attiré par la lumière, mais j’ai gardé mon âme roumaine, comme Igor Stravinski, qui était français mais est resté russe jusqu’à son dernier souffle. Il n’en a pas moins contribué au rayonnement de la culture française »..

dimanche 14 février 2010

Une Iranienne écrit à Mandela

J'ai reçu cette "lettre ouverte à Nelson Mandela". Son auteure, Azita Rahimpoor, est une démocrate iranienne résidant en Belgique. Avide de liberté et de bonheur pour son pays, elle assiste depuis des mois à la répression des dissidents et des opposants qui se mobilisent pacifiquement contre le régime.
A lire et à partager.

Bruxelles, le 11 février 2010
Monsieur Mandela,

Je vous écris cette lettre du cœur de l’Europe. Vous devez probablement en recevoir des milliers par jour. Ce n’est pas grave, j’ai envie de vous parler, de vous expliquer et surtout j’ai besoin de vous demander votre aide et vos conseils.
Aujourd’hui, cela fait exactement vingt ans que vous avez été libéré de prison et dix-neuf ans que l’apartheid a été aboli dans votre pays. Mais dans mon pays, Monsieur Mandela, qui fête aujourd’hui le 31e anniversaire de sa révolution, l’apartheid sévit toujours : un apartheid de classe, un apartheid entre une classe dirigeante incompétente et un peuple qui a perdu toute joie de vivre. Je vous écris car aujourd’hui encore j’ai été témoin, sur internet, d’actes de violence aveugle perpétrés à l’encontre d’un peuple qui revendique sa liberté pacifiquement et de façon légale dans les rues de Téhéran et d’autres grandes villes de mon pays natal.

Nous nous sommes rencontrés en 1995, à Johannesburg. Vous ne vous en souvenez probablement pas car il y avait quelque 300 délégués à cette réunion où j’ai eu moi aussi l’honneur de vous serrer la main. C’est en pensant à cette rencontre et surtout après avoir lu un article sur le site de Human Rights Watch, publié également dans Times Live South Africa (*), que j’ai pensé à vous et à votre incontestable carrure morale. Egalement mon père a vécu et travaillé dans votre magnifique pays où il a malheureusement été victime de préjugés à l’époque de l’apartheid, étant donné que, au goût de certains de ses collègues vétérinaires blancs, il côtoyait trop le peuple noir…

Monsieur Mandela, que me conseillez-vous de faire pour faire revivre la joie dans le cœur du peuple iranien, surtout sa jeunesse qui a perdu toute perspective d’avenir, tout espoir, qui n’a plus d’horizon du tout et qui ne fait que buter sa tête et son corps entier contre un mur d’incompréhension liberticide ? Que faut-il faire Monsieur Mandela ?
J’aimerais vous demander d’utiliser votre autorité morale et d’intercéder en faveur de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l’Homme et de l’état de droit auprès de la classe dirigeante iranienne actuelle qui a oublié ce qu’elle était censée faire pour son peuple : être un bon manager et gérer le pays en bon père de famille.

Vous êtes parvenu par votre intégrité exemplaire à vaincre une idéologie ségrégationniste et inhumaine. Pourriez-vous avoir la grande bonté d’intercéder en faveur du peuple iranien auprès de la classe dirigeante iranienne et également auprès du gouvernement sud-africain pour qu’il rappelle aux dirigeants iraniens leur rôle premier : permettre à des êtres humains de s’épanouir dans leur diversité en mettant à leur disposition tous les moyens, possibilités et outils disponibles pour faire surgir toutes leurs potentialités et donc de les accompagner sur leur propre chemin de vie dans la tranquillité et surtout en les encourageant à être eux-mêmes, tout simplement.
Monsieur Mandela, le peuple iranien a perdu sa joie de vivre, un peuple qui se nourrit de poésie, de musique et de beauté… Pourriez-vous intercéder en sa faveur pour qu’il soit à nouveau heureux ? Pourriez-vous également me conseiller d’autres démarches à entreprendre à cet effet ?

Dans l’attente de vous lire, je vous remercie d’avance et vous prie de recevoir, Monsieur Mandela, l’expression de ma plus haute considération.

Azita Rahimpoor bonjour.freedom@gmail.be

(***) Iran: South Africa Must Speak Out http://www.hrw.org:80/en/news/2010/02/10/iran-sa-must-speak-out

jeudi 4 février 2010

L'avenir du journalisme

Même si nous journalistes rêvons tous d’une prospérité raisonnable et de moyens appréciables, nous devrions nous rappeler que le journalisme et la liberté de la presse n’existent pas pour assurer l’emploi des journalistes ni les revenus des propriétaires de médias.
Toutefois, il nous faut bien parler d’économie et d’argent. L’ampleur de la crise économique actuelle est telle qu’elle met en cause l’essence même du journalisme et menace ainsi un des socles de la démocratie.
Cette affirmation fera sourire ou agacera ceux qui accusent la presse de faire partie du problème et de saper les fondements de la démocratie. Mais au-delà de l’aveu évident des failles et des dérives d’une profession qui n’est pas vertueuse, il serait inconscient de se réjouir de la crise de la presse ou de s’en laver les mains.
La démocratie ne dépend pas seulement de la liberté d’expression et d’opinion, telle qu’elle s’exprime sur Facebook ou dans les blogs. Son sort dépend aussi de l’exercice professionnel, oserais-je dire artisanal, de ces libertés par et dans le journalisme.
Sans tomber dans le corporatisme, il est important de rappeler que le journalisme donne corps et puissance à la liberté, du moins cette forme de journalisme qui croit à sa responsabilité de relayer les informations nécessaires à l’expression effective de la citoyenneté, qui croit à son devoir de révéler les informations qui permettent le contrôle des tentations et abus du pouvoir.
L’enjeu de cette crise pour le journalisme est de démontrer qu’il occupe une place unique, nécessaire, incontournable au sein de la société.
Le sort de notre profession dépendra certainement des idées que développent les gestionnaires et les spécialistes de la monétisation de l‘information sur Internet. Mais l’avenir du journalisme dépendra tout autant d’un retour à ces principes que l’on célèbre surtout lors des grands messes du métier, lors de la remise du Prix Pulitzer ou du Prix Albert Londres, mais qui ont été écornés tout au long de ces années de commercialisation et de frivolisation de l’information.
Le journalisme doit récupérer le terrain de l’investigation et de l’expertise qu’il a cédé à d’autres, aux ONG, aux centres d’études, aux blogueurs spécialisés.
Il doit restreindre l’espace immense qui est aujourd’hui occupé par la communication pour redevenir non seulement cette institution informelle qui valide les faits et arbitre entre les affirmations partisanes, mais aussi celle qui, en raison de ses connaissances et de son attachement à l’impartialité, acquiert le statut de référence et de pilier de l’information et du débat citoyen.
Comme un parlement qui peut être la chambre d’enregistrement du pouvoir exécutif ou l’expression plus remuante d’un véritable deuxième pouvoir qui contrôle, bride, rappelle à l’ordre le gouvernement, la presse peut se concevoir comme le porte-plume des pouvoirs ou comme un quatrième pouvoir. Mais plus que jamais, c'est ce dernier modèle qui est nécessaire, un journalisme se revendique comme le chien de garde des institutions, comme le petit caillou dans la chaussure des pouvoirs.
Face aux défis qui nous attendent (changement climatique, choc des incivilisations, guerres communautaires), il doit être le canari dans les boyaux de la mine qui nous met en garde contre les coups de grisou de la bêtise et de l’intolérance. Contre aussi « l’horreur économique » et les débordements de la cupidité et de l’inhumanité des tenanciers de tripots de l’ économie casino.
Il faut plus que jamais aller à contre-courant, « résister à l’air du temps » comme le disait Camus, « penser contre soi-même », comme renchérissait Edwy Plenel.
Le grand public ne plébiscite pas nécessairement la presse la plus exigeante et lui préfère les titres plus frivoles, mais c’est à l’aune de cette presse de qualité, exigeante, audacieuse, qu’elle juge le journalisme, sa crédibilité et sa légitimité au sein de la société.

La Cité, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était

Très belle soirée, mardi, au Centre belge de la Bande dessinée. Nostalgique comme une linotype, chaleureuse comme un vieux Café de la Presse éthylique et enfumé.
Le CRISP et le CARHOP présentaient un livre sur le quotidien La Cité, une « feuille » disparue bien avant la vague d’angoisse existentielle qui étreint aujourd’hui une presse écrite bousculée par Internet, les évolutions culturelles du grand public et la crise économique.
Cette nostalgie était d’autant plus forte que la soirée se déroulait à 10 mètres des anciens bureaux de La Cité, dans ce quartier de la rue des Sables, qui fut jusque dans les années 70, la Fleet Street ou la rue Réaumur de la presse progressiste belge, avec le siège de La Cité et des quotidiens de la presse socialiste (Le Peuple, Le Monde du Travail).
Je n’ai pas encore lu tout le livre co-signé par Marie-Thérèse Coenen, Jean Heinen, Jean-François Dumont, Luc Roussel et Paul Wynants, mais dans son excellente post-face, Jean-Jacques Jespers, directeur de l’Ecole de journalisme de l’ULB, cherche à établir les responsabilités du décès d'un titre emblématique auquel collaborèrent de nombreux journalistes reconnus.
Son constat est, dans le fond, assez désespérant. Il mentionne les responsabilités de l’organisation qui « contrôlait » ce journal, le Mouvement ouvrier chrétien. Le MOC a eu ses raisons mais il s’est aussi, dans une certaine mesure, mis hors course et hors débat car la décision d’abandonner La Cité n’a pas débouché sur une réflexion et une réforme de fond qui auraient permis d’accroître l’influence de ce mouvement dans le débat public.
Aujourd'hui, quand la presse du MOC est populaire, elle est beaucoup trop corporatiste (syndicaliste, mutualiste, etc). Quand elle propose des réflexions plus intellectuelles, elle est trop confidentielle.
La multitude de ses titres ne contribue que très marginalement à la bataille des idées sur l’agora de la citoyenneté. La même remarque pourrait s’appliquer à la presse socialiste, elle aussi défunte.
Le terrain de la « guerre des idées »a été d’une certaine manière concédé à la presse grand public, à leurs pages débats ou forum, aux interventions sur les plateaux de la RTBF ou de RTL et à une politique de communication d’organisation. Au même moment, l’idéologie conservatrice voire ultralibérale se dotait d’une politique d’information, de communication et de réflexion de nature stratégique.
Vaste discussion bien sûr, mais elle n’a pas été abordée mardi soir. Comme si les anciens de La Cité se contentaient de la chaleur des retrouvailles et n’osaient plus rêver d’une presse progressiste. Ou comme s’ils avaient déclaré forfait et se satisfaisaient par procuration des expériences de la presse française de gauche, comme Le Monde diplomatique, ou « différente », comme Le Canard enchaîné ou XXI.
Comme le dit un quotidien « de la place », « le débat est ouvert ».

mardi 26 janvier 2010

Quand les photos mentent

La réunion de Londres sur l'Afghanistan a rappelé, s'il le fallait, les doutes des pays occidentaux sur leur allié Hamid Karzai. Combien de temps aura-t-il fallu pour se rendre à la réalité et accepter la vraie image du président afghan?
Dans une certaine mesure, ce délai s'explique par la politique de communication internationale des artisans de la politique afghane.
Les photos peuvent être trompeuses et créer des pseudo-réalités. Il y a mille exemples dans l’histoire, mais l’actualité des derniers mois en Afghanistan nous donne un exemple particulièrement achevé de l’illusion photographique.
Rappelez vous les clichés du président Hamid Karzai, son regard intense, sa barbe ciselée, sa coiffe traditionnelle et son manteau majestueux. Combien de personne n’ont-elles pas été impressionnées par cette élégance, au point d’oublier de penser aux actions de ce chef d’Etat, accusé d’avoir été réélu frauduleusement et de tolérer toutes les corruptions?
La même fascination avait joué à l’égard du commandant Massoud qui était certainement préférable aux Talibans, mais dont les convictions et les actions étaient loin de correspondre à la vision idéalisée dont il a bénéficié jusqu’à sa mort tragique.
Aujourd’hui, personne n’a de doutes sur Hamid Karzaï : le président afghan ne peut prétendre à la noblesse morale ou politique que cette photo impliquait. Il est même l’une des entraves majeures à la résolution rationnelle et humaine du conflit afghan. Et les Américains qui ont contribué à créer le mythe s’en mordent aujourd’hui les doigts.
Les journalistes devraient-ils se méfier de l’esthétisme ? Les photojournalistes, non, car il leur appartient de nous donner ces photos emblématiques qui attestent de leur talent. Même si cette considération ne les dispense pas de réfléchir à la réalité qu’ils transmettent.
Mais les journalistes de l’écrit ont l’obligation éthique de « cadrer » la photo, de la légender, c’est-à-dire de lui donner un sens.
Certains journalistes s’en sont abstenus parce qu’ils ont été eux-mêmes séduits. D’autres, plus gravement, se sont tus parce qu’ils ont suivi la thèse occidentale qui faisait de Karzaï le sauveur de l’Afghanistan.
Une photo peut être moins fidèle qu’un tableau cubiste…

samedi 9 janvier 2010

Qui manifeste pour les chrétiens de Malaisie et d'Egypte?

Des Eglises chrétiennes sont incendiées par des bandes d’extrémistes musulmans en Malaisie, sept membres de la minorité copte sont tués en Haute-Egypte. Et personne ne bouge.
La valeur humaine des croyants varierait-elle selon la religion qu’ils professent ? La violence contre des chrétiens serait-elle moins grave que les attaques contre des musulmans? L'assassinat de chrétiens serait-il moins condamnable que la publication des caricatures de Mahomet, un acte qui avait provoqué des explosions de colère dans de nombreux pays musulmans et de vives réprobations au sein des milieux antiracistes européens ?
Où sont les militants de l’inter-culturalité et de l’antiracisme lorsqu'il s'agit de dénoncer les violences et les discriminations contre des religions qu'ils semblent considérer par définition comme occidentales et donc coupables? Ils devraient être dans la rue, comme ils l’ont été, avec raison, lorsque des musulmans subissent agressions ou discriminations.
Le choc des civilisations est inéluctable si l’on juge à diverses aunes les attaques dont sont victimes les minorités religieuses ou philosophiques. Celles-ci ont droit à la même protection et les discriminations et violences dont elles souffrent doivent être dénoncées avec la même vigueur, ici et ailleurs. Dans le respect de l’égalité des droits et de la liberté de conscience. C’est le fondement même de la laïcité et de la philosophie des droits de l’Homme.
On rêverait de voir des Européens tiers-mondistes et des musulmans modérés manifester devant les ambassades d’Egypte et de Malaisie à Bruxelles pour exiger que ces pays garantissent non seulement la protection des chrétiens, mais aussi la fin des discriminations qui font de ceux-ci des citoyens de seconde zone.
Cette mobilisation conforterait les Juifs qui critiquent les politiques de répression et de colonisation menées par le gouvernement israélien dans les territoires palestiniens occupés. Elle renforcerait les catholiques qui sont indignés par la décision de Benoît XVI de canoniser Pie XII et sa volonté de pousser l’Eglise dans l’impasse du passéisme. Elle aiderait les protestants qui s'insurgent contre la croisade menée par des sectes évangéliques réactionnaires en Afrique notamment.
Elle rassurerait tous ceux, ici, qui non seulement parient sur la possibilité de l'islam d'être en phase avec la modernité mais pensent également que les musulmans européens ont, dans ce combat des idées et dans cette solidarité avec toutes les victimes, une responsabilité toute particulière.

mercredi 6 janvier 2010

Humeurs (1). On ne vous transporte pas, on vous roule

Je suis rarement d’humeur vindicative mais comme les départements de « com » de Thalys et d’Eurostar me demandent à tout bout de champ d’aider à améliorer leur service, j’espère que ce petit billet les amènera à corriger certaines de leurs défaillances.
Hier, départ pour Paris au train de 8 h35. Je lis sur le site Thalys que mon train est supprimé mais qu’un autre train, affublé d’un autre numéro, part à la même heure et que je pourrai monter à bord.
Sur le quai, je demande à un employé de Thalys où se trouve la voiture 18 et il m’indique, avec tout l’aplomb de la personne qui sait, la tête du train. Je remonte tout le quai au pas de charge et là, pas de voiture 18.
Une accompagnatrice anglophone m'affirme avec le même aplomb que la voiture 18 est en queue de train. Je repars dans l’autre direction, en maudissant la banane et le croissant que je viens juste d’ingurgiter. La digestion me freine et l’horloge tourne.
Et là, arrivé en queue de train, on me dit qu’il n’y a pas de voiture 18 et que je peux m’installer où je veux.
Où je veux ? Mais il y a des tas de gens qui ont des places réservées et je suis forcé de sautiller d’un siège à l’autre selon le bon plaisir et le mauvais caractère des voyageurs dûment munis de leur titre de transport.
Bon, quand tout s’arrange, le plaisir du Thalys glissant comme une luge fulgurante dans un paysage enneigé me réconcilie avec tout le monde.Je crois même que je me suis endormi...
Le soir,retour sur Bruxelles au train de 19.01. A 18h.01, je reçois un SMS me confirmant ma réservation. J’arrive à la gare du Nord vers 18 h25 et vois s’éloigner un Thalys pour Bruxelles. Pas de problème, dans une demi-heure, je serai « train-borne ». Mais un regard au tableau des départs m’impose un test ophtalmologique. Est-ce que je ne lis pas: Annulé ?
Et oui, me confirme un employé, par ailleurs très amène, de Thalys, il faudra prendre le train suivant de 19h25.
Et puis, dans le froid de cette gare ouverte à tous les vents, traversée de soldats la mitraillette en bandoulière qui tracent leur chemin au milieu de gens qui virevoltent dans tous les sens ou, au contraire, restent plantés, immobiles, comme des sapins de Noël dépités, la petite musique typique des oiseaux de mauvais augure retentit. Le train de 19h25 est annulé.
Bigre, brrr…je sens monter les microbes de la grippe H1N1 au travers des semelles de mes chaussures. Je vois mes compagnons d’infortune grelotter, accrochés à leurs GSM.
Et puis, la petite musique retentit de nouveau. Le départ du train de 20h01 sera annoncé tardivement. Tardivement ? C’est quoi ça ? Personne n’ose bouger de la salle des pas perdus. Personne n’ose sortir pour aller se réchauffer dans un des bistrots d’en face. Tardivement ! Est-ce que c’est assez longtemps pour un chocolat chaud, un Big Mac ou six huîtres d’Oléron ?
Finalement, vers 20h30, le train est annoncé, la foule se rue sur les voitures avec deux classes clairement identifiées : ceux qui ont des réservations pour le train de 20h01 et les autres. La morale n’est pas sauve car ceux qui sont le plus affectés par ces avaries du Thalys sont ceux qui en ont le plus souffert puisqu’ils attendent depuis plus longtemps. Le Thalys, à défaut de suivre ses horaires, suit l'Evangile: les derniers arrivés seront les premiers à s'asseoir.
Dans le fond de ma mémoire, la phrase des mauvaises langues de Mai 68 resurgit: On ne vous transporte pas, on vous roule…
Bon, rien de grave, rien de comparable au chaos d'Eurostar à Noël. Sans rancune donc. Mais bon Dieu de bon sang, au lieu de nous assommer de « com » quand tout va bien, chers directeurs de Thalys ou d’Eurostar, apprenez à communiquer quand ça va mal. Serait-il plus simple de créer un site Web rutilant et chatoyant que d'informer clairement et succinctement sur l'heure des départs?