jeudi 4 février 2010

La Cité, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était

Très belle soirée, mardi, au Centre belge de la Bande dessinée. Nostalgique comme une linotype, chaleureuse comme un vieux Café de la Presse éthylique et enfumé.
Le CRISP et le CARHOP présentaient un livre sur le quotidien La Cité, une « feuille » disparue bien avant la vague d’angoisse existentielle qui étreint aujourd’hui une presse écrite bousculée par Internet, les évolutions culturelles du grand public et la crise économique.
Cette nostalgie était d’autant plus forte que la soirée se déroulait à 10 mètres des anciens bureaux de La Cité, dans ce quartier de la rue des Sables, qui fut jusque dans les années 70, la Fleet Street ou la rue Réaumur de la presse progressiste belge, avec le siège de La Cité et des quotidiens de la presse socialiste (Le Peuple, Le Monde du Travail).
Je n’ai pas encore lu tout le livre co-signé par Marie-Thérèse Coenen, Jean Heinen, Jean-François Dumont, Luc Roussel et Paul Wynants, mais dans son excellente post-face, Jean-Jacques Jespers, directeur de l’Ecole de journalisme de l’ULB, cherche à établir les responsabilités du décès d'un titre emblématique auquel collaborèrent de nombreux journalistes reconnus.
Son constat est, dans le fond, assez désespérant. Il mentionne les responsabilités de l’organisation qui « contrôlait » ce journal, le Mouvement ouvrier chrétien. Le MOC a eu ses raisons mais il s’est aussi, dans une certaine mesure, mis hors course et hors débat car la décision d’abandonner La Cité n’a pas débouché sur une réflexion et une réforme de fond qui auraient permis d’accroître l’influence de ce mouvement dans le débat public.
Aujourd'hui, quand la presse du MOC est populaire, elle est beaucoup trop corporatiste (syndicaliste, mutualiste, etc). Quand elle propose des réflexions plus intellectuelles, elle est trop confidentielle.
La multitude de ses titres ne contribue que très marginalement à la bataille des idées sur l’agora de la citoyenneté. La même remarque pourrait s’appliquer à la presse socialiste, elle aussi défunte.
Le terrain de la « guerre des idées »a été d’une certaine manière concédé à la presse grand public, à leurs pages débats ou forum, aux interventions sur les plateaux de la RTBF ou de RTL et à une politique de communication d’organisation. Au même moment, l’idéologie conservatrice voire ultralibérale se dotait d’une politique d’information, de communication et de réflexion de nature stratégique.
Vaste discussion bien sûr, mais elle n’a pas été abordée mardi soir. Comme si les anciens de La Cité se contentaient de la chaleur des retrouvailles et n’osaient plus rêver d’une presse progressiste. Ou comme s’ils avaient déclaré forfait et se satisfaisaient par procuration des expériences de la presse française de gauche, comme Le Monde diplomatique, ou « différente », comme Le Canard enchaîné ou XXI.
Comme le dit un quotidien « de la place », « le débat est ouvert ».