jeudi 13 janvier 2011

Tunisie: les réalistes ont la gueule de bois

Les réalistes ont donc eu tort. Ceux qui prétendaient qu’il fallait soutenir Ben Ali parce qu’il était un gage de stabilité dans une région convulsée se retrouvent aujourd’hui aussi perplexes que leur « ami très cher».
Ils bafouillent car l’histoire bégaie. Gageons que, derrière leurs appels au calme, ils espèrent surtout que le régime policier ramène un peu d’ordre dans tout ça. C’était si bien avant. Avant que la rue ne rappelle le principe de réalité aux réalistes qui s’étaient laissé convaincre par le modernisme du pays et le technocratisme de ses dirigeants. Réalistes ?
Certes, les jeux sont loin d’être faits et les paris restent ouverts. Mais les observateurs les plus avisés se souviennent quand même des grands effondrements qui ont marqué l’histoire des dictatures.
La fuite de Somoza au Nicaragua, la chute de Marcos aux Philippines, la fin du régime Ceaucescu en Roumanie : les exemples abondent de régimes que l’ « on » disait solides, voire même amicaux, et qui se sont affaissés comme un fruit de supermarché.
« On » ? Qui se cacherait donc derrière ce mot ? Ceux qui, aujourd’hui, toussotent en buvant un verre de rouge de Carthage : les présidents d’amicales politiques égarées, les diplomates désinformés par leurs fréquentations de cocktails compassés, les hommes d’affaires de mèche avec les kleptocrates d’un régime corrompu, la cohorte de courtisans avides d'hospitalité officielle et de tapis rouge.
« On » ? Oui, le terme est suffisamment vague pour que l’ »on » oublie ceux qui depuis des années fournissaient une autre information et dénonçaient les complaisances de démocrates avec des autocrates ; les défenseurs des droits de l’Homme, des journalistes, des bloggeurs, des avocats.
« On » les traitait de naïfs, voire de complices des terroristes ou des islamistes, alors qu’ils étaient les plus proches des valeurs dont « on » se réclame en Europe.
Aujourd’hui, l’histoire s’emballe. Les institutions qui auraient dû user de leur influence pour préparer l’avenir démocratique de la Tunisie, à l’instar de l’Union européenne, ont enfin ouvert le dictionnaire des droits de l’homme pour rédiger leurs communiqués. Mais ils ânonnent encore leurs mises en garde.
Trop peu, trop tard ?
Le réalisme, en tout cas, a la gueule de bois.