vendredi 31 décembre 2010

L'Europe présidée par un pays qui agresse la liberté de la presse

Le Parti populaire européen devrait être embarrassé par la loi sur la presse que vient de faire adopter un de ses partis membres, le FIDESZ, en Hongrie. La nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er janvier constitue, selon les organisations de défense de la liberté de la presse, une atteinte grave à un droit fondamental reconnu dans les traités européens.
Cette loi-bâillon encadre indument la presse, politise les nominations au sein des médias de service public, menace de sanctions et d’amendes outrancières les médias qui ne font pas preuve « d’équilibre » et fragilise dangereusement le droit des journalistes à protéger le secret des sources.
Dans une certaine mesure, le parti de (centre) droite mené par Viktor Orban reprend les mauvaises pratiques des héritiers du parti communiste hongrois, incapables d’envisager sereinement la liberté et le pluralisme de la presse.
En octobre 2002, lors du processus d’accession de la Hongrie, le PPE avait justement critiqué le gouvernement socialiste hongrois de l’époque en relevant les attaques officielles contre « le seul quotidien de centre droite du pays ».
Réuni à Estoril (Portugal), le PPE avait rappelé avec force « que la Hongrie, en tant que pays candidat à l’adhésion, doit remplir les critères de Copenhague, parmi lesquels la liberté de la presse est un élément politique crucial ».
Aujourd’hui, la Hongrie étant membre de l’Union et, de surcroît, présidente pour six mois du Conseil, le PPE n’a rien à redire à son parti membre. Comme il n’a rien eu à redire contre son allié italien, Berlusconi, coupable lui aussi de saper la liberté et la pluralité des médias. La vérité est partisane et les grands principes sont fluctuants...
Or, certains pays où règnent des partis démocrates-chrétiens, en Allemagne et au Luxembourg notamment, des voix officielles se sont élevées contre la loi hongroise et ont demandé à la Commission européenne de déterminer si Budapest viole l’esprit et la lettre des traités européens.
Jusqu’ici la réaction de la Commission a été très prudente. La « gardienne des traités » est bien plus prompte en effet à défendre la liberté de commercer que la liberté d’expression. Mais l’enjeu est fondamental pour le projet européen. A supposer qu’il en reste un, diront les cyniques.
Pour contredire ces derniers, l’année européenne devrait commencer en fanfare, sans laisser le moindre répit à ceux qui en « intégrant l’Europe », désintègrent son projet démocratique.

lundi 27 décembre 2010

La neige recouvre tout, même l'info

La neige est bien sûr un sujet légitime de l’actualité et il est inévitable que les rédactions accordent une place importante à cette information qui constitue une « rupture » par rapport à la normalité.
Mais la célébration du chasse-neige ne chasse-t-elle pas aussi les autres infos?
Heureusement qu’il y a la neige, diront certains, pour ne pas parler, ou si peu, de la persécution des chrétiens d’Orient, de la chasse aux sorcières en Iran ou des attaques des Talibans.
Heureusement qu’il y a cette couche de glace qui nous permette de recouvrir les attentats au Pakistan, l’enfermement des dissidents chinois ou les violences des narcotrafiquants au Mexique.
Heureusement que cet hiver exceptionnel permette d’oublier, jusque quelques jours, la durée exceptionnelle elle aussi des négociations visant à la formation d’un nouveau gouvernement.
Heureusement que le chaos dans les aéroports ne soit cette fois que la conséquence du climat et non pas l’expression de la colère des syndicats.
Heureusement qu’il y a le froid pour prouver notre zeste d’humanité en montrant ces bons samaritains, qui font le tour des coins où se terrent les SDF.
Il n’y a finalement que les Ivoiriens pour nous gâcher ce Noël blanc, avec leurs deux présidents et les menaces de dérapages sanglants.
Attention, sous la neige soyeuse, l’actualité n’est que verglas…

samedi 25 décembre 2010

Cathy Ashton et la dernière mauvaise idée 2010.

Selon le blogger Nicolas Gros-Verheyde (Bruxelles2), un « pro britannique » de la communication, Frédéric Michel, pourrait bien devenir le « communicant » de Cathy Ahston, la haute-représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne.
Mme Ashton, dont la nomination avait suscité de vives critiques, notamment lors de son examen de passage au Parlement européen, n’a pas réussi à établir son autorité au cours de sa première année de mandat. Les persiflages continuent à circuler dans les couloirs et les bureaux des institutions.
Fidèle à son réflexe de répondre aux problèmes de substance par des politiques d’image, l’Union européenne espère qu’un magicien de la « com » pourra pallier ces insuffisances.
Le conseiller de Cathy Ashton serait Frédéric Michel, actuel directeur pour les Affaires publiques Europe du groupe de presse Murdoch, et co-fondateur avec l’ex-commissaire européen britannique Peter Mandelson du Policy Network, un centre d’études proche de la « troisième voie » de Tony Blair.
Les qualités professionnelles de Frédéric Michel ne sont pas en cause, il dispose en effet d’un CV de qualité, mais son association avec le groupe Murdoch est préoccupante pour la philosophie de communication et d’information de l’Union européenne.
Propriétaire du Sun à Londres, un journal connu pour ses méthodes journalistiques peu honorables, et de Fox New, la chaîne de promotion du Tea Party aux Etats-Unis, le groupe Murdoch a constamment affiché ses opinions anti-européennes.
Même s'il possède des titres respectables comme le Times, il a également contribué à dégrader le journalisme et à saper le discours démocratique presque partout où il opère. Dans les années 90, ce groupe avait même expulsé la BBC de son bouquet satellite diffusé en Chine et refusé de publier les mémoires de l’excellent Chris Patten, dernier gouverneur britannique de Hong Kong et futur commissaire européen.

Même si cette approche de la Chine ne devrait pas déplaire à Mme Ashton, dont l’attachement aux droits humains est guidé par le « réalisme », cette image « murdochienne » n’est pas celle que devrait donner une Union théoriquement fondée sur des valeurs de raison et de liberté.
L’Europe n’a pas besoin de plus de communication, mais d’idées fortes, de courage et de convictions. Robert Schuman a réussi son rêve européen sans « spin doctor » ni « communicant ». Il est vrai qu’il avait quelque chose à dire….

A lire : le blog de Nicolas Gros-Verheyde
http://www.bruxelles2.eu/politique-etrangere/service-diplomatique/un-pro-britannique-de-la-communication-pour-soigner-l%E2%80%99image-de-cathy-ashton.html

Vargas Llosa met en garde contre l'islamisme mais aussi contre les risques de l'antiislamisme

Le 19 décembre à Santiago, devant un parterre de personnalités de la droite latino-américaine et espagnole, Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de Littérature 2010, a prononcé un discours politique qui a été retenu de manière assez différente par ceux qui l’ont entendu.
L’AFP a choisi de résumer la conférence de l'écrivain en titrant sur sa condamnation de l’islamisme radical. L’auteur a effectivement comparé l’islamisme au communisme du temps de la guerre froide, sans lui prêter toutefois la même force.
Rien de bien neuf, en fait, dans ces propos: Vargas Llosa a régulièrement critiqué les périls de l’intégrisme musulman dans ses chroniques du quotidien El Pais. En quoi sa déclaration était-elle une « nouvelle » justifiant la publicité que lui a donnée l’AFP?
Etrangement, dans son résumé du discours, le site de Libertad y Desarrollo, le centre d’études conservateur qui a accueilli l’écrivain péruvien, ne consacre qu’une seule ligne à cette mise en garde à propos de l’islamisme.
En fait, la déclaration la plus importante de ce discours aurait pu être ce que la dépêche de l’AFP mentionne tout à la fin de son texte : la condamnation par le très libéral Vargas Llosa des mesures liberticides adoptées par les gouvernements démocratiques pour combattre le terrorisme et l’extrémisme. « La terreur a souvent conduit les démocraties à renoncer à des conquêtes démocratiques fondamentales, mais nous ne pouvons pas nous le permettre. La démocratie ne peut commencer à utiliser les armes des terroristes », a-t-il déclaré.
Mettre cette analyse en titre aurait eu, sans doute, plus de sens car l’auditoire de l’écrivain était composé de chefs d’Etat peu suspects de tolérance à l'égard du radicalisme islamique mais directement visés par sa mise en garde en faveur des libertés, en particulier l’ancien président espagnol Aznar, partisan de la guerre en Irak, et l’ex-chef d’Etat colombien Alvaro Uribe.
Le journalisme est un exercice étrange qui permet de créer, d'imposer, diront certains,la hiérarchie des informations et de mettre en exergue des faits par rapport à d'autres. Au risque de déformer la représentation du monde.
Si l'on se réfère à la recension de Libertad y Desarrollo, le discours de Mario Vargas Llosa, apparemment consacré selon la dépêche de l’AFP à l’islam radical, a autant, sinon davantage, traité de la fin du communisme, de la corruption en Amérique latine, de la répression à Cuba et des menaces d’autoritarisme au Venezuela…

jeudi 16 décembre 2010

Lu pour vous: la fin du microcrédit?

Le monde est ainsi fait qu'il vit au rythme des modes et des dogmes. L'aide au développement n'échappe pas à ce phénomène de la pensée conforme. Depuis quelques années, le micro-crédit est décrit dans des milieux influents de la coopération comme "la" formule idéale de lutte contre la pauvreté. D'autant plus qu'il prétend promouvoir une responsabilisation des personnes démunies. Au lieu de leur donner de l'argent, on leur prête ce qui est présenté comme le levier de leur autonomisation.

Quelques voix avaient bien tenté de formuler des réserves et des objections, fondées sur l'observation des conditions réelles dans lesquelles se pratiquait le micro-crédit sur le terrain, mais elles étaient "hors la mode" et dès lors inaudibles.
L'euphorie semble aujourd'hui relever du passé. De plus en plus de rapports remettent le "mythe" du microcrédit en perspective et constatent que finalement, la plupart des prêts débouchent sur des échecs. Newsweek vient d'y consacrer un court papier intitulé le "microbordel" (micromess) qui reprend en particulier une étude particulièrement négative du MIT (Massachusetts Institute of Technology)sur le bilan d'une expérience de microcrédit en Inde. Le taux de succès serait de 5%.
Les chiffres seraient similaires dans d'autres pays, note Newsweek. En raison principalement du hijacking du concept par les banques privées, des taux d'intérêt exorbitants et du manque de formation et d'expérience des "bénéficiaires".
L'heure de l'introspection est venue. En espérant que cette fois, une mode tout aussi aveuglante ne succède au dogme déchu.