jeudi 29 octobre 2009

Afghanistan: quand la France s'en mêle

Ce matin, Paul Hermant nous a fait une belle démonstration de cartésianisme, l’hommage le plus appuyé qui puisse être rendu à la France éternelle.
Je résume son propos. « Il n’y a pas de guerre en Afghanistan ! La preuve ? La France vient d’y renvoyer des demandeurs d’asile. Or, le droit international interdit de refouler des candidats réfugiés dans des pays où ils sont en danger. Cqfd ».
Je vous invite à réécouter ou à lire sa chronique sur le site de La Première.
Je vous invite aussi à vous rendre sur le site du ministère français des affaires étrangères (www.diplomatie.gouv.fr) , de cliquer sur la page « conseils aux voyageurs » et ensuite sur « Afghanistan ». Vous ne pouvez pas le rater, c’est le premier de la liste.
Le ministre ex-socialiste Eric Besson n’a pas dû lire ce texte rédigé par ses diplomates. Je vous en livre quelques extraits choisis. Comme dirait Euronews : No Comment !

« Dernière minute.
La situation de sécurité en Afghanistan s’est beaucoup dégradée depuis un an. (…)
Dans ces conditions, il est plus que jamais impérativement recommandé de différer tout projet de voyage ».

Bien sûr, ce texte contredit l’analyse du ministère, qui viole dès lors l’un des principes de base du droit international sur l’asile, le non-refoulement. Mais il montre également que les diplomates du Quai d’Orsay ne sont pas à la pointe de l’actualité et qu’ils ne réussiraient pas l’examen d’entrée de petit reporter au Courrier picard ou à La République du Centre-Ouest.
La « dernière minute » a été rédigée avant les élections du 20 août dernier. Imaginons ce que pourrait contenir une « Dernière heure » : Attention, les tribus pachtounes, il y a deux ans, ont attaqué à coups de mousquet la cavalerie de la Perfide Albion ».
Certes, comme le proclama fameusement Michel Rocard, « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Mais elle pourrait au moins rester fidèle à l’héritage intellectuel de Descartes.
A moins, bien sûr, que le ministre français n’interprète le fameux « Je pense, donc je suis » de la manière qui suit : « Je pense à mon élection et à ma carrière, donc je suis la vox populi ».

vendredi 23 octobre 2009

Liberté de la presse: le Maroc sur le gril

Le Maroc fait figure de pays modéré dans le contexte du monde arabo-musulman et cultive l'image d'une monarchie modernisatrice qui offre des espaces de liberté à la presse.
Depuis quelques années, toutefois, l'ouverture promise par le roi Mohammed VI s'éloigne. La porte patine sur ses gonds et les procès se multiplient contre les journalistes qui franchissent "les lignes rouges".
L'initiative de l'International Freedom of Expression Exchange est exceptionnelle: cette coalition d'organisations de défense de la liberté d'expression, aussi bien internationales qu'arabes, publie rarement des communiqués communs. Elle exprime la gravité de la dégradation de la situation mais aussi l'espoir qui avait été placé dans le Maroc, un pays qui promettait de trancher sur la répression généralisée de la presse dans le monde arabo-musulman.
Pour en savoir plus sur ce pays si proche et si important pour l'Europe, je vous conseille de lire l'essai d'Ali Amar, fondateur de l'hebdo indépendant Le Journal: Mohammed VI, le grand malentendu, paru cette année chez Calmann-Lévy. Et de relayer les préoccupations exprimées ci-dessous par l'IFEX.

(ANHRI/IFEX) - Le 23 octobre 2009 - Les organisations dénoncent les arrestations et le harcèlement incessants contre les journalistes et la presse indépendente:

Nous, soussignées, organisations de défense de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, appelons le gouvernement marocain à cesser sa campagne contre la liberté de la presse, la plus violente qu'ait connu le Royaume depuis l'accession du souverain Mohamed VI au pouvoir en 1999.

Les trois derniers mois (août-octobre 2009) ont été marqués par une recrudescence de la campagne contre la liberté de la presse au Maroc. L'hebdomadaire indépendant francophone "Tel Quel" et sa version arabophone "Nichane" ont été interdits de publication, début août 2009, pour avoir publié un sondage sur la gouvernance de Mohamed VI, jugé outrageant pour le souverain et contraire aux bonnes mœurs.

Le 28 septembre 2008, le ministère marocain de l'Intérieur a fermé les locaux du quotidien indépendant arabophone "Akhbar Al Yaoum" sans décision de justice. Taoufik Bouachrine, directeur de la publication, et le caricaturiste Khaled Keddar ont été poursuivis en justice à la suite de la publication d'une caricature qui constitue, selon le ministère de l'Intérieur, "une atteinte au respect dû à un membre de la famille royale".

Le 15 octobre 2009, le tribunal de première instance de Rabat a condamné Driss Chahtane, directeur de l'hebdomadaire arabophone "Al Michaal", à un an de prison ferme pour avoir publié des articles évoquant la santé du Roi Mohamed VI. Driss Chahtane a été arrêté immédiatement après l'énoncé du verdit, sans attendre la procédure d'appel. Rachid Mahamid et Mustapha Hayrane, deux journalistes travaillant dans le même journal, se sont vus infliger des peines de trois mois de prison ferme et une amende de 5.000 dirhams (environs 655 $US) sans être arrêtés.

Dans une affaire séparée, mais pour les mêmes motifs, Ali Anouzla, directeur du quotidien arabophone "Al Jarida Al Oula", et Bouchra Edaou, journaliste dans le même journal, seront traduits en justice, à Rabat, le 26 octobre 2009, pour publication de fausses informations concernant la santé du Souverain.

Ces procès qui ciblent, essentiellement, la presse indépendante, constituent une régression grave de la liberté de la presse au Maroc et risquent d'anéantir la petite marge de liberté qui existe encore dans ce Royaume. Ils constituent aussi une menace sérieuse pour la liberté de la presse dans le monde arabe, sachant que le Maroc représente un modèle pour les journalistes de la région.

L'emprisonnement des journalistes et l'interdiction des publications au Maroc constituent, faut-il le rappeler, une violation flagrante de l'article 19 (2) du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le gouvernement marocain.

Cet article énonce: "Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix".

Nous dénonçons ces procès à caractère politique. Nous dénonçons le harcèlement incessant contre les journalistes qui accomplissent leur devoir professionnel en diffusant des informations que le gouvernement marocain juge comme étant un franchissement des lignes rouges, telles que la santé du Roi ou les affaires de corruption qui intéressent l'opinion publique.

Les organisations arabes et internationales de défense de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, soussignées, expriment leur entière solidarité avec les journaux et les journalistes marocains victimes de ces poursuites judiciaires. Elles appellent le gouvernement marocain à mettre fin à cette campagne contre la liberté de la presse et à abolir les peines privatives de liberté dans les procès de presse. Elles appellent, également, le gouvernement marocain à lever l'embargo imposé au quotidien "Akhbar Al Yaoum" et à l'autoriser à reparaître.

Les organisations signataires:

Arabic Network for Human Rights Information

ARTICLE 19: Global Campaign for Free Expression

Adil Soz - International Foundation for Protection of Freedom of Speech

Arab Archives Institute

Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d'Information

Bahrain Center for Human Rights

Cairo Institute for Human Rights Studies

Canadian Journalists for Free Expression

Center for Media Studies & Peace Building

Centro de Reportes Informativos sobre Guatemala

Comité por la Libre Expresión

Ethiopian Freepress Journalists' Association

Exiled Journalists Network

Freedom House

Greek Helsinki Monitor

Index on Censorship

Institute of Mass Information

International Press Institute

Le Comité pour la protection des journalistes

Maharat Foundation (Skills Foundation)

Media Institute of Southern Africa

Media Rights Agenda

Media Watch

Pacific Freedom Forum

Pacific Islands News Association

Pakistan Press Foundation

Palestinian Center for Development and Media Freedoms

Public Association "Journalists"

Reporters sans frontières

The Egyptian Organization For Human Rights

World Press Freedom Committee



Al-Karamah "Dignity" Foundation for Human Rights, Egypt

Andalus Institute for Tolerance and Anti-Violence Studies, Egypt

Arab Commission for Human Rights

Arab-European Forum for Human Rights

Arab Organization for Supporting the Civil Society and Human Rights

Arabic Program for Human Rights Activists, Egypt

Association for Freedom of Thought and Expression, Egypt

Awlad Alard Organization for Human Rights

Bahraini Association for Human Rights

Bahrain Youth Society for Human Rights

Damascus Center for Theoretical and Civil Rights Studies, Syria

Egyptian Association against Torture

Egyptian Center for Economic and Social Rights

Egyptian Initiative for Personal Rights

Euro-Arab Forum for Freedom of Expression

General Assembly for Human Rights Defenders in the Arab World, France

Hisham Mubarak Law Center, Egypt

Human Rights First Society, Saudi Arabia

Nadeem Center for Psychological Therapy and Rehabilitation of the Victims of Violence, Egypt

One World for Development and Sustainability of Civil Society

Palestinian Human Rights Foundation (Monitor)

Reporters without Rights

Voix Libre pour les Droits de l'homme, Switzerland

Yemeni Organization for the Defense of Democratic Rights and Freedom

Devinette: qui a du pétrole, le Niger ou l'Ouzbékistan?

La chancelière allemande Angela Merkel jouissait jusqu’ici d’une réputation de « Jeanne d’Arc » des droits de l’homme. Le ton moins chaleureux qu’elle avait adopté à l’égard des dirigeants chinois et russes tranchait, en effet, avec les courtoisies de son prédécesseur social- démocrate, Gerhard Schroeder.
Pour les analystes, la sensibilité de dirigeante chrétienne-démocrate reflétait l’expérience qu’elle avait vécue à l’époque de la très répressive République démocratique allemande.
Au point d’aller jusqu’à faire passer la vertu avant les intérêts économiques et militaires de l’Allemagne ?
Aujourd’hui, les militants des droits de l’homme n’en sont plus aussi sûrs et la colère gronde à l’égard de la chancelière. Ce sont, en effet, les pressions exercées par Berlin qui ont amené, mardi, l’Union européenne à lever l’embargo sur les armes qui avait imposé à l’Ouzbékistan, pays autoritaire d’Asie centrale, à la suite du massacre d’Andijan en 2005.
L’Allemagne a traditionnellement suivi avec intérêt l’Asie centrale, mais cette attention s’est accrue ces dernières années en raison des investissements de l’industrie allemande en Ouzbékistan et de la volonté de diversifier les approvisionnements énergétiques (par rapport à la Russie surtout).
L’Allemagne dispose également d’une base militaire importante (à Termez, dans le sud du pays) qui sert à ravitailler le contingent allemand déployé en Afghanistan.
Officiellement, pour l’Union européenne, le gouvernement ouzbèke a fait des progrès sensibles dans le domaine des droits de l’homme. Un constat rejeté par l’ensemble des ONG qui dénoncent la poursuite de la répression, la censure et la torture ainsi que le recours au travail des enfants (2 millions d’entre eux, selon l’International Crisis Group, sont forcés de travailler à la récolte du coton).
En privé, les diplomates européens rejoignent l’avis des ONG, mais la raison d’Etat a primé. Et l’Union européenne, une nouvelle fois, a fait montre de son double langage. Selon que vous serez faible ou puissant…
Bruxelles a annoncé un embargo sur les armes destinées à la Guinée, où 150 personnes ont été assassinées par l’armée. Elle vient de lever celui imposé à l’Ouzbékistan, où l’armée à tué au moins 187 personnes. A votre avis, quel pays a du pétrole ?

mercredi 21 octobre 2009

Chine et Guinée: ne fais pas aux autres...

L’accord de coopération économique signé entre la Chine et le gouvernement militaire au pouvoir en Guinée a été très mal reçu par l’Union européenne, les Etats-Unis et la Communauté des pays d’Afrique de l’Ouest.
Annoncé quelques jours après le massacre par l’armée d’au moins 150 personnes dans le stade de Conakry, ce contrat a suscité l’indignation de l’opposition guinéenne et de l’ensemble des organisations de défense des droits de l’homme.
Il ressemble aussi à une provocation. Pékin déclare urbi et orbi que la volonté ou la prétention de l’UE et des Etats-Unis de fonder les relations internationales sur un socle minimal de respect des droits de l’homme sont illusoires et que ceux qui s’en réclament sont des naïfs ou des hypocrites.
La Chine envoie constamment deux messages à la communauté internationale : d’un côté, elle exprime son souci d’apparaître comme un partenaire fiable et respectable ; de l’autre, elle applique, au nom du dogme du respect de la souveraineté nationale des pays partenaires, une politique étrangère qui appuie les régimes parias, du Soudan à la Birmanie.
Les pays européens et les Etats-Unis ont évidemment des raisons de se tortiller lorsqu’ils maugréent face à la politique chinoise. Ils ont de plus en plus adopté ces derniers mois une attitude conciliation à l’égard de Beijing, en raison notamment de l’importance cruciale de l’économie chinoise pour sortir de la crise. Et ils sont loin d’appliquer à la lettre les principes qui, rhétoriquement, guident leurs politiques. Les « doubles standards » restent la règle et les pays semoncés par l’UE sont en général des pays sans grande importance économique ou stratégique.
Le respect des droits de l’homme, toutefois, n’est pas seulement le souci des « belles âmes ». La brutalité des militaires guinéens représente un danger non seulement pour leur population, mais aussi pour l’ensemble d’une région extrêmement fragile, l’Afrique de l’Ouest, qui subit de plein fouet la crise économique mondiale et qui est rongée par l’explosion du trafic de drogue, en provenance d’Amérique latine et en direction de l’Europe.
En d’autres termes, les violations des droits de l’homme en Guinée représentent aussi un enjeu de nature stratégique et il serait judicieux que la Chine se concerte avec l’UE, les Etats-Unis et l’Afrique pour éviter que ses initiatives commerciales n’attisent les tensions et n’accélère l’effondrement d’un Etat.
Si la Chine veut mériter la réputation amène dont elle se targue, si elle veut aussi éviter d’être perçue par les démocrates guinéens comme une nouvelle puissance coloniale aussi arrogante que la vieille Europe, elle doit cesser de se comporter comme si l’on était encore au XIXe siècle, temps des concessions et de la canonnière sur le Yang Tsé. Sinon, elle pourrait être la cible, en Afrique, d’une « révolte des Boxers ».
Le nationalisme africain n’est pas différent du nationalisme chinois : il se nourrit lui aussi de l’humiliation et du ressentiment provoqués par la domination, l’exploitation et l’oppression. Le trésor des proverbes chinois ne contiendrait-il pas celui qui dit: "ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse?"

jeudi 15 octobre 2009

Vite, des visas pour les journalistes iraniens menacés

La répression s’est durement abattue sur les protestataires iraniens et, en particulier, sur les journalistes. Une vingtaine d’entre eux sont en prison. Plusieurs journaux ont été fermés et, selon Mahmoud Shamsolvaezin,près de 2000 « travailleurs des médias » ont perdu leur emploi. Des dizaines de journalistes cherchent à quitter le pays pour éviter d’être arrêtés.
Ceux qui ont réussi à s’échapper se trouvent actuellement en exil dans le Kurdistan irakien ou en Turquie. Mais, selon Nazila Fathi, du New York Times, beaucoup de ces exilés n’ont pas signalé leur présence car ils craignent des représailles contre leur famille restée en Iran. Ils craignent aussi d’être la cible des services secrets iraniens qui opèrent dans la région.
Selon Reporters sans frontières, le nombre de journalistes qui ont choisi de quitter l’Iran est le plus élevé depuis la Révolution islamique de 1979.
Il est dès lors urgent d’assurer la sécurité de ces journalistes, notamment en leur délivrant des visas qui leur permettent de s’installer dans des pays où ils sont hors d’atteinte de la répression.
L’attitude des pays européens doit être claire, sans procrastination. On ne peut proclamer avec emphase qu’on est du côté des démocrates iraniens et leur refuser un refuge. Comme le dirait Casamayor, il vaut mieux avoir le cœur sur la main que la main sur le cœur...
Selon nos sources, certains pays comme la France et la Belgique auraient répondu positivement aux demandes des organisations internationales de défense de la liberté de la presse, mais d’autres membres de l’Union se montrent plus réticents.
Nous ne voulons pas faire du "corporatisme" et ne penser qu'à nos collègues, mais ces journalistes et blogueurs ont pris des risques immenses pour nous informer sur la fraude électorale et les violences. Ils méritent une totale solidarité.

P.S. A lire, l'article de Delphine Minoui, correspondante du Soir à Beyrouth, sur le sort de Fariba Pajooh, une blogueuse iranienne emprisonnée.(Le Soir mercredi 4 octobre)

lundi 12 octobre 2009

Brésil, du sang, de la sueur et des larmes

La victoire du Brésil au Comité international olympique nous a donné les larmes du président Lula et les explosions de joie des Cariocas.
Mais le défi est immense, aussi grand que celui auquel doit faire face l’Afrique du sud, hôte de la Coupe mondiale de football.
La ville de Rio pose, en effet, des problèmes de sécurité gigantesques aux organisateurs. Jon Lee Anderson en dresse un portrait glaçant, du sang, de la sueur et des larmes, dans l’un des derniers numéros de l’hebdomadaire The New Yorker.
Son reportage au cœur des favelas, les « banlieues » de Rio, donne une idée des difficultés qui attendent le gouvernement brésilien. Il y aurait aujourd’hui plus de mille favelas à Rio. Trois millions de personnes sur les 14 millions d’habitants de Rio y vivent, très souvent au milieu d’une violence attisée par le trafic de drogue, hors d’atteinte de l’autorité et des services de l’Etat..
Rio de Janeiro est la ville plus violente au monde, note l’auteur. 5000 meurtres ont été enregistrés l’année dernière, la moitié d’entre eux liés au trafic de drogue. Chaque jour, aussi, la police de Rio, gangrenée par l’arbitraire et la corruption, tue trois personnes, généralement « parce qu’elles résistaient à leur arrestation », soit 1.188 personnes en 2008. « En guise de comparaison, ajoute l’auteur, la police américaine tue 370 personnes par année sur tout le territoire américain».
Les journalistes ne pénètrent plus dans un certain nombre de favelas, car ils sont considérés comme des espions ou des ennemis par les gangs, les groupes paramilitaires, les escadrons de la mort et les forces de police qui se battent pour le contrôle du territoire. Plusieurs d’entre eux ont été assassinés.
Le gouvernement brésilien pourra-t-il changer en 6 ans ce qu’il n’a pu résoudre en deux siècles d’indépendance ? Les inégalités sociales, en dépit de la présence d’un président issu de la gauche, restent extrêmes et alimentent la « dictature de la délinquance ».
Rien ne prouve, non plus, que le boom économique attendu des Jeux olympiques profitera aux populations marginalisées ou si, au contraire, il aggravera leur exclusion.
En 1968, le Mexique avait rêvé de faire des J.O. un levier contre la pauvreté et le mal-développement. Il n’en fut rien.
Le Brésil va devoir prouver que ses milieux dirigeants sont différents, qu’ils considèrent les J.O. non pas comme le signe de leur puissance émergente sur la scène internationale, mais comme une occasion de rompre avec un modèle économique et social qui fabrique l’injustice et la violence..

dimanche 11 octobre 2009

L'extrême droite U.S. Combien de divisions?

Un certain nombre de lecteurs nous ont demandé ce que représentait vraiment « cette Amérique qui fait peur », que nous avons décrite et dénoncée dans notre chronique du Soir, le 6 octobre. Nous y évoquions en effet une extrême droite « minoritaire mais non pas marginale ».
John Nichols, correspondant à Washington de l’hebdomadaire de gauche The Nation, nous apporte un début de réponse. Prenant pour cibles les « brailleurs médiatiques, comme Glenn Beck sur Fox News, Rush Limbaugh ou Sean Hannity, il les crédite d’une audience bien plus minuscule que celle dont ils se réclament pour affirmer qu’ils représentent la « seule, la vraie Amérique » : 2%, voire 5% pour le plus connu d’entre eux, Rush Limbaugh.
Il est vrai que l’ « extrême extrême droite », incarnée par les partis nazis, les groupes de suprématie blanche ou les « milices » ne constituent qu’un pourcentage minime de la population américaine. Mais toutes les associations et institutions chargées de les surveiller estiment que ce caractère assez groupusculaire ne leur enlève pas leur dangerosité. Les extrémistes de droite s’infiltrent en effet au sein des institutions publiques, notamment les forces armées, comme l’a reconnu un rapport officiel américain, et dans des groupes religieux fondamentalistes, qui disposent d’un réel pouvoir électoral et médiatique.
Plusieurs questions découlent de ces constats. Comment ces extrémistes arrivent-ils à s’imposer sur la scène médiatique, voire à imposer les thèmes et le ton du débat politique ? Dans quelle mesure, le parti républicain, de plus en plus contrôlé par sa frange la plus conservatrice, sert-il de canal à des discours politiques agressifs ?
Comme il y a eu en France une « lepénisation des esprits », dans la même mesure aussi où les discours intégristes religieux (chrétiens, musulmans, juifs, hindouistes…) colorent en partie l’ensemble des communautés que ces factions extrémistes prétendent représenter, le danger se trouve à l’intersection des mouvements extrémistes et des partis traditionnels.
Et c’est ce rôle d’interface que jouent les « brailleurs » médiatiques. Ils prennent des idées sur leur extrême droite en uniformes bruns et leur mettent un costume-cravate pour entrer dans les living rooms des « good Americans » et dans les bureaux des Républicains conservateurs.
En relayant certains discours, en soulignant certains thèmes, en adoptant le ton agressif typique de l’extrême droite, en côtoyant en public des groupes extrémistes, certains dirigeants du Parti républicain jouent à la roulette russe. Soit ils se mettent en dehors du débat respectable pour une génération, ce qui serait souhaitable pour la sérénité de la scène politique américaine, soit ils légitiment en partie l’extrémisme et s’en rendent complices.
A suivre.

lundi 5 octobre 2009

Lula-Obama: 1-0

La victoire de Rio de Janeiro sur Chicago est bien plus que le résultat d’une joute sportive entre le premier président métis des Etats-Unis et le premier président ouvrier d’Amérique latine.
Le Brésil l’a emporté en raison du dossier qu’il a introduit auprès du CIO, mais bien davantage encore parce qu’il représente une puissance émergente qui a convaincu le monde de son bon droit.
Contrairement à la Chine, le Brésil ne suscite pratiquement aucune controverse : les droits humains n’y sont pas toujours respectés, notamment dans les favelas de Rio, en Amazonie ou dans les étendues misérables du Nordeste, mais le pays connaît depuis le début des années 80 une démocratie vibrante et peu de pays oseraient lui faire la leçon.
Au cours de son « règne », le président Lula a réussi à tirer parti de l’énorme potentiel économique, démographique et géographique de son pays. Paradoxalement, ce militant syndicaliste longtemps combattu par l’Establishment brésilien a été celui qui aura réussi à réellement placer le Brésil sur la carte de la puissance mondiale.
Certes, Lula est revenu sur ses promesses de campagne et a modéré sa politique sociale. Des mesures d’assistance très actives ont bénéficié aux populations les plus pauvres mais elle n’ont pas remis en cause le système inégalitaire extrême qui affecte le pays. Une partie de la gauche a rompu les rangs mais cette marque de déception n’a pas réellement entaché la popularité du président au sein d’une majorité de la population.
Lula a joué finement pour placer le Brésil au cœur des plus grands enjeux internationaux. Il a pris la tête des producteurs agricoles du Sud contre les Etats-Unis et l’Union européenne. Il a développé une diplomatie active dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’ONU, principalement en Haïti, et tissé des liens avec les autres puissances émergentes démocratiques, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Lula a également lancé des ponts en direction de l’Afrique qui lui a permis de dominer les relations entre les deux continents, comme l’a illustré le sommet Afrique/Amérique du Sud qui s’est tenu fin septembre sur l’île de Margarita au Venezuela.
En Amérique latine, précisément, Lula a réussi à se présenter comme l’alternative raisonnable à la fois à l’hégémonie des Etats-Unis et à l’aventurisme du président Hugo Chavez. Est-ce un hasard si le président renversé du Honduras, Manuel Zelaya, se trouve réfugié dans l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa alors qu’il est accusé par ses adversaires d’être la marionnette de Chavez ?
Jusqu’où le Brésil pourra-t-il suivre cette voie royale ? En Amérique du Sud, certains critiquent en sourdine la « domination brésilienne » et reprochent à Lula de couper l’herbe sous le pied de la « révolution bolivarienne chaviste ». D’autres estiment que le modèle brésilien reste fragile car il dépend trop de l’ « empire vert », de son agro-industrie d’exportation.
Mais l’heure aujourd’hui est à l’optimisme. De Gaulle qui avait proclamé avec ironie: « Le Brésil est un pays d’avenir et il le restera » pourrait devoir réviser son pronostic. Dans un monde multipolaire, face à une Amérique fragilisée par la crise financière et les guerres en « AfPak », le Brésil a sa chance.

samedi 3 octobre 2009

L'Empire state building pour l'Empire du Milieu

L'immeuble le plus célèbre de la "skyline" new-yorkaise, l'Empire State Building,a choisi le 30 septembre de s'illuminer aux couleurs de la République populaire de Chine.
Cette décision, cependant, a été prise sans l'assentiment des locataires. Or, parmi ceux-ci, aux 34ème et 35ème étages, il y a...Human Rights Watch, la principale organisation américaine de défense des droits de l'homme. Human Rights in China, une ONG critique du régime chinois, y a également son siège.
On imagine que le consul chinois, qui reçoit chaque semaine des communiqués des deux organisations, s'est trompé sur la signification de l'expression : "renvoyer l'ascenseur..."
"Nous n'avons aucune objection à honorer la Chine comme une nation et une grande civilisation, a estimé Carroll Bogert, directrice adjointe de Human Rights Watch, mais le 30 septembre commémore l'arrivée au pouvoir du Parti communiste, qui est responsable de nombreuses violations des droits de l'homme".
L'Empire du Milieu pense avoir réussi l'un de ses plus gros coups de publicité, illuminant la ville où se joue le sort de ses milliards de dollars en bons du trésor américains. Mais la publicité qu'il s'est octroyée a été récupérée par ceux qui le critiquent. L'illumination de l'immeuble a permis de faire la lumière sur la nature autoritaire du gouvernement chinois...Comme le dit un (nouveau) proverbe chinois: "la lampe torche révèle autant celui qui la manie que celui qu'elle éclaire".