La victoire de Rio de Janeiro sur Chicago est bien plus que le résultat d’une joute sportive entre le premier président métis des Etats-Unis et le premier président ouvrier d’Amérique latine.
Le Brésil l’a emporté en raison du dossier qu’il a introduit auprès du CIO, mais bien davantage encore parce qu’il représente une puissance émergente qui a convaincu le monde de son bon droit.
Contrairement à la Chine, le Brésil ne suscite pratiquement aucune controverse : les droits humains n’y sont pas toujours respectés, notamment dans les favelas de Rio, en Amazonie ou dans les étendues misérables du Nordeste, mais le pays connaît depuis le début des années 80 une démocratie vibrante et peu de pays oseraient lui faire la leçon.
Au cours de son « règne », le président Lula a réussi à tirer parti de l’énorme potentiel économique, démographique et géographique de son pays. Paradoxalement, ce militant syndicaliste longtemps combattu par l’Establishment brésilien a été celui qui aura réussi à réellement placer le Brésil sur la carte de la puissance mondiale.
Certes, Lula est revenu sur ses promesses de campagne et a modéré sa politique sociale. Des mesures d’assistance très actives ont bénéficié aux populations les plus pauvres mais elle n’ont pas remis en cause le système inégalitaire extrême qui affecte le pays. Une partie de la gauche a rompu les rangs mais cette marque de déception n’a pas réellement entaché la popularité du président au sein d’une majorité de la population.
Lula a joué finement pour placer le Brésil au cœur des plus grands enjeux internationaux. Il a pris la tête des producteurs agricoles du Sud contre les Etats-Unis et l’Union européenne. Il a développé une diplomatie active dans le cadre des opérations de maintien de la paix de l’ONU, principalement en Haïti, et tissé des liens avec les autres puissances émergentes démocratiques, l’Inde et l’Afrique du Sud.
Lula a également lancé des ponts en direction de l’Afrique qui lui a permis de dominer les relations entre les deux continents, comme l’a illustré le sommet Afrique/Amérique du Sud qui s’est tenu fin septembre sur l’île de Margarita au Venezuela.
En Amérique latine, précisément, Lula a réussi à se présenter comme l’alternative raisonnable à la fois à l’hégémonie des Etats-Unis et à l’aventurisme du président Hugo Chavez. Est-ce un hasard si le président renversé du Honduras, Manuel Zelaya, se trouve réfugié dans l’ambassade du Brésil à Tegucigalpa alors qu’il est accusé par ses adversaires d’être la marionnette de Chavez ?
Jusqu’où le Brésil pourra-t-il suivre cette voie royale ? En Amérique du Sud, certains critiquent en sourdine la « domination brésilienne » et reprochent à Lula de couper l’herbe sous le pied de la « révolution bolivarienne chaviste ». D’autres estiment que le modèle brésilien reste fragile car il dépend trop de l’ « empire vert », de son agro-industrie d’exportation.
Mais l’heure aujourd’hui est à l’optimisme. De Gaulle qui avait proclamé avec ironie: « Le Brésil est un pays d’avenir et il le restera » pourrait devoir réviser son pronostic. Dans un monde multipolaire, face à une Amérique fragilisée par la crise financière et les guerres en « AfPak », le Brésil a sa chance.
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans