vendredi 26 septembre 2008

Rencontre avec Ragip Zarakolu

Mercredi, j'ai rencontré l'un des plus célèbres dissidents turcs, Ragip Zarakolu. Il arrivait d'Amsterdam, la ville mondiale du livre 2008. Dans cette cité qui fut celle des exilés, des bannis et des censurés de toujours, l'Association internationale des éditeurs lui avait solennellement remis le Prix 2008 de la Liberté de Publier.
A Bruxelles, l'écrivain venait de rencontrer des représentants des institutions européennes pour discuter de la Turquie et des conditions dans lesquelles se mènent les pourparlers d'adhésion. Partisan de la vocation européenne de son pays, cet intellectuel ne supporte pas, toutefois, la légèreté qui préside à ces négociations lorsqu'il s'agit de sortir de la "mise à niveau" des normes et règlements administratifs pour s'occuper, entre le raki et la baklavah, de l'agaçante question des droits de l'homme.
Ragip Zarakolu est victime en effet d'un texte de loi que le gouvernement turc avait promis de modifier, le fameux Article 301 qui sanctionne sévèrement toute atteinte à l'honneur de la Turquie. Invité à se réformer, le gouvernement a donné de subtils gages à une Commission empressée de ne pas vexer Ankara. Malgré cette apparence de changement, plus de 30 citoyens turcs ont été condamnés, depuis, par l'Article 301.
Ragip Zarakolu en a subi le poids parce qu'il avait publié un livre sur le génocide arménien, The Truth Will Set Us Free de l'auteur britannique George Jerjian.
Faut-il rappeler ici l'extrême irresponsabilité de l'Union européenne, refusant d'exiger de la Turquie l'abrogation de cet article du Code pénal, totalement incompatible avec les valeurs dites européennes, avant même d'envisager toute ouverture des négociations?
La faute est d'autant plus lourde que la condamnation de Ragip Zarakolu porte sur le génocide arménien, le deuxième génocide (après celui des Hereros en Namibie par l'Allemagne) du Siècle des Génocides.
Si elle se négocie de cette façon dénuée de tout principe, l'adhésion de la Turquie ne contribuera aucunement à pluraliser l'Europe, à tendre des ponts avec le monde musulman, comme le veut la vulgate eurocratique, mais bien à saper l'idée européenne, forgée, c'est du moins ce que j'ai retenu de mes lectures, dans la proclamation de la dignité humaine, le respect de la vérité historique et le rejet absolu du négationnisme.

Win Tin libéré, la Birmanie reste emprisonnée

La libération de Win Tin, l'un des plus célèbres dissidents birmans, a été accueillie avec joie par les défenseurs des droits humains du monde entier. La ténacité de ce dissident et la constance de ses partisans ont été récompensées. Mais cette libération, dans le cadre d'une amnistie qui a bénéficié à 9000 prisonniers, est-elle un signe d'adoucissement de la part de la Junte ou simplement la conviction des généraux qu'ils peuvent se permettre désormais de relâcher la pression, près d'un an après les manifestations de la Révolution safran.
Le Committee to Protect Journalists et Human Rights Watch (HRW) ont fait état de leur scepticisme. La Junte a coutume de ces amnisties massives au sein desquelles elle glisse un journaliste ou un dissident. Ses autres mesures indiquent par ailleurs qu'elle n'a guère l'intention de lâcher prise. Dans son rapport publié fin septembre, HRW note que les arrestations d'activistes se sont multipliées et que près de 2000 prisonniers politiques croupissent dans les geôles birmanes.
La question de la volonté et de la capacité de la communauté internationale de faire pression sur le régime est de nouveau posée. Les Etats-Unis n'ont pas cessé de proclamer leurs critiques, mais l'administration Bush ne dispose d'aucun moyen de pression réel ni d'une crédibilité suffisante. L'Union européenne est piégée par les intérêts divergents de ses membres. La Chine et l'Inde, de plus en plus les vrais parrains de la Junte, considèrent la Birmanie comme un enjeu de leur rivalité et non comme un test de l'éthique de leur politique étrangère.