mercredi 19 septembre 2012

Le recteur de l'UCL célèbre le libre examen



Je suis maître de conférences invité à l’Université catholique de Louvain et dès lors ce blog pourrait être entaché de « conflit d’intérêt », mais je ne résiste pas à la tentation de saluer un passage de l’allocution prononcée ce lundi 17 septembre à l’occasion de la rentrée académique par le Recteur Bruno Delvaux.
Ses paroles m’ont d’autant plus interpellé que je venais de regarder à la télévision un film sur le peintre Francisco Goya, dans une Espagne du début du XIXème siècle encore soumise aux brutalités et aux insanités de l’Inquisition catholique.
Devant un parterre de personnalités, dont Monseigneur Léonard, face au corps académique et aux étudiants, le recteur de l’UCL a fait un puissant éloge de l’esprit critique, essence même de la démarche universitaire, et souligné l’étanchéité impérative entre l’université et la théologie.

Autonomie et examen critique
Mr. Delvaux avait déjà fortement exprimé cette conviction l’année dernière, lorsqu’il avait célébré « la valeur inestimable de l’esprit universitaire, fondé sur l’autonomie, la pensée libre et l’examen critique ». « Les fondateurs de l’Université en 1425 et Erasme qui fut notre maître à la Renaissance, avait-il ajouté, n’auraient pas pu nous indiquer de chemin plus sûr et d’attitude plus positive ».
Un des extraits de son discours de 2011 pourrait inspirer tous ceux qui considèrent la liberté de l’esprit comme le levier du savoir, du progrès et de la démocratie. A des années lumières des dogmatismes, des intégrismes et des totalitarismes.
« Les savoirs qui viennent de l’esprit critique sont créateurs et libérateurs », avait-il déclaré en précisant :
« - Libération des esprits de ce qui est établi. De la tradition lorsqu’elle immobilise. De l’évidence, lorsqu’elle aveugle. De l’ordre installé lorsqu’il fige tout mouvement.
- Libération des hommes des maux qui les écrasent. De la maladie, de la misère…
- Libération, aussi, des sociétés des tyrannies de « l’injuste » dont la brutalité plonge ses racines dans l’opacité, dans ce qu’on ne comprend pas, dans les allégations idéologiques fallacieuses….
- Enfin, et ce n’est pas le moindre, la recherche concerne le sens du monde et de la vie. Tous ceux qui questionnent leur propre discipline à l’instar de Jacques Monod dans Le hasard et la nécessité explorent ce qui fait la dignité de l’homme et sa responsabilité ».

Contre l'Opus Dei au Pérou
Lundi, Mr. Delvaux a confirmé ces convictions en prenant la défense d’une université catholique péruvienne, la Pontificia Universidad Catolica del Peru, accablée par le conservatisme de certaines autorités religieuses locales, proches de l’Opus Dei. « Cette université qui compte de nombreux enseignants formés à l’UCL dont le philosophe Salomon Lerner, ancien recteur et figure marquante de la démocratie péruvienne, mène depuis des années un travail exemplaire de recherche et d’enseignement au service du Pérou, réalisant une synthèse féconde entre la liberté qui préside à toute démarche universitaire et le dialogue avec la tradition chrétienne. Elle remplit ses missions académiques. Elle fait son travail d’université ! »
« Par ma voix, a-t-il conclu, l’UCL exprime sa profonde solidarité avec sa consœur péruvienne et souhaite que se construise le dialogue nécessaire destiné à faire aboutir une relation renouvelée entre l’université et les autorités religieuses".

Cette défense audacieuse de la liberté de l’esprit contre l’autoritarisme d’une hiérarchie catholique rétrograde a donné un éclat particulier à la rentrée académique. Et adressé un message fort au corps enseignant et aux étudiants : pensez librement. Au moment où le monde s’embourbe dans les intégrismes et les intolérances, au moment où la liberté risque de devoir se réfugier sur un radeau de la Méduse, le recteur de l’UCL a choisi son camp.

samedi 14 juillet 2012

Iran, la répression contre la presse se durcit


La roue de l’actualité tourne toujours trop vite. Et dans cette course frénétique de l’information, des nouvelles qui, hier, faisaient la « une » se retrouvent reléguées dans les oubliettes des médias. Ainsi en est-il de l’Iran, dont le « mouvement vert » en 2009 avait passionné le monde, suscitant l’espoir d’une réforme démocratique après 30 ans de règne autoritaire islamiste. Sa répression avait, elle aussi, tenu l’opinion en haleine. Qui, du pouvoir et de l’opposition, allait l’emporter dans ce bras de fer, dont on appréciait mal les réalités masquées ?
On le sait, le président Mahmoud Ahmadinejad est sorti vainqueur de cette joute inégale et ses adversaires ont durement payé leur audace. Les journalistes indépendants ou progressistes ont particulièrement souffert des représailles officielles. Une trentaine d’entre eux au moins et 19 bloggeurs sont actuellement emprisonnés, le plus souvent dans des conditions d’insécurité et de dureté qui transgressent toutes les normes internationales des droits humains, comme l’indique le Committee to Protect Journalists dans un communiqué publié en mai dernier.
Le 10 juillet, devant la persistance de la répression, Reporters sans frontières (RSF) a lancé un appel en faveur de plusieurs journalistes et net-citoyens iraniens en danger : Narges Mohammadi, Mohammad Sadegh Kaboudvand, Arash Honarvar Shojai, Mohammad Solimaninya et Bahman Ahamadi Amoee.
En cellule d’isolement
Ce dernier, en particulier, a été transféré le 12 juin dernier de la prison d’Evin à celle de Rajai-Shahr, au nord de Téhéran, où il a été placé dans une cellule d’isolement. Il paierait ainsi sa participation à une cérémonie organisée par les prisonniers du dortoir 350 de la prison d’Evin à la mémoire d’Hoda Saber, mort des suites d’une grève de la faim le 12 juin 2011.
Sur son blog, son épouse, Jila Baniyaghoob, journaliste elle aussi, reprend les paroles de sa mère qui s’indigne du traitement infligé à son beau-fils : « Comment peut-il tolérer cette cellule claustrophobique, écrit-elle, une cellule sans air-conditionné alors que la température est très élevée ? ». La prison de Rajai-Shahr a une sinistre réputation. « Les cas de tortures, viols et meurtres commis dans son enceinte sont innombrables », écrit RSF. Selon l’association iranienne, the Committee of Human Rights Reporters, Bahman aurait été placé à l’intérieur de la section numéro un de la prison, où sont gardés les détenus condamnés à mort.
Bahman Ahmadi Amouee a été arrêté le 20 juin 2009, en compagnie de son épouse, et a été condamné à 5 ans de prison ferme pour « diffusion de propagande contre l’Etat et agissement contre la sécurité nationale». En fait, son « crime », comme l’écrit sa femme, est « d’avoir exercé son métier de journaliste ». Bahman est, en effet, un des journalistes les plus respectés d’Iran.  Spécialiste des questions économique, il a collaboré à de nombreuses publications et publié deux livres remarqués.
Son arrestation et sa détention sont un baromètre de l’état de la liberté de la presse en Iran, un pays qui cherche par tous les moyens à priver sa population d’une information indépendante, non seulement en harcelant les journalistes indépendants mais aussi en bloquant ou brouillant les médias internationaux, comme récemment la BBC. Des médias souvent occidentaux et qui sont considérés par nombre d’Iraniens comme de véritables références face à la propagande du régime.