La roue de l’actualité tourne toujours trop vite. Et dans
cette course frénétique de l’information, des nouvelles qui, hier, faisaient la
« une » se retrouvent reléguées dans les oubliettes des médias. Ainsi
en est-il de l’Iran, dont le « mouvement vert » en 2009 avait
passionné le monde, suscitant l’espoir d’une réforme démocratique après 30 ans
de règne autoritaire islamiste. Sa répression avait, elle aussi, tenu l’opinion
en haleine. Qui, du pouvoir et de l’opposition, allait l’emporter dans ce bras
de fer, dont on appréciait mal les réalités masquées ?
On le sait, le président Mahmoud Ahmadinejad est sorti
vainqueur de cette joute inégale et ses adversaires ont durement payé leur
audace. Les journalistes indépendants ou progressistes ont particulièrement souffert
des représailles officielles. Une trentaine d’entre eux au moins et 19
bloggeurs sont actuellement emprisonnés, le plus souvent dans des conditions
d’insécurité et de dureté qui transgressent toutes les normes internationales
des droits humains, comme l’indique le Committee to Protect Journalists dans un
communiqué publié en mai dernier.
Le 10 juillet, devant la persistance de la répression, Reporters sans frontières (RSF) a lancé un appel en faveur de plusieurs journalistes et
net-citoyens iraniens en danger : Narges Mohammadi, Mohammad Sadegh
Kaboudvand, Arash Honarvar Shojai, Mohammad Solimaninya et Bahman Ahamadi
Amoee.
En cellule d’isolement
Ce dernier, en particulier, a été transféré le 12 juin
dernier de la prison d’Evin à celle de Rajai-Shahr, au nord de Téhéran, où il a
été placé dans une cellule d’isolement. Il paierait ainsi sa participation à
une cérémonie organisée par les prisonniers du dortoir 350 de la prison d’Evin
à la mémoire d’Hoda Saber, mort des suites d’une grève de la faim le 12 juin
2011.
Sur son blog, son épouse, Jila Baniyaghoob, journaliste elle
aussi, reprend les paroles de sa mère qui s’indigne du traitement infligé à son
beau-fils : « Comment peut-il tolérer cette cellule claustrophobique,
écrit-elle, une cellule sans air-conditionné alors que la température est très
élevée ? ». La prison de Rajai-Shahr a une sinistre réputation.
« Les cas de tortures, viols et meurtres commis dans son enceinte sont
innombrables », écrit RSF. Selon l’association iranienne, the Committee of
Human Rights Reporters, Bahman aurait été placé à l’intérieur de la section
numéro un de la prison, où sont gardés les détenus condamnés à mort.
Bahman Ahmadi Amouee a été arrêté le 20 juin 2009, en
compagnie de son épouse, et a été condamné à 5 ans de prison ferme pour
« diffusion de propagande contre l’Etat et agissement contre la sécurité
nationale». En fait, son « crime », comme l’écrit sa femme, est
« d’avoir exercé son métier de journaliste ». Bahman est, en effet,
un des journalistes les plus respectés d’Iran. Spécialiste des questions économique, il a
collaboré à de nombreuses publications et publié deux livres remarqués.
Son arrestation et sa détention sont un baromètre de l’état
de la liberté de la presse en Iran, un pays qui cherche par tous les moyens à priver
sa population d’une information indépendante, non seulement en harcelant les
journalistes indépendants mais aussi en bloquant ou brouillant les médias
internationaux, comme récemment la BBC. Des médias souvent occidentaux et qui
sont considérés par nombre d’Iraniens comme de véritables références face à la
propagande du régime.