Ils s’appellent Winning Tickets, Tanguero, Obedient Servant. Ils pourraient se nommer Grand Maigre ou Petit Gros. Et ils commentent avec beaucoup de parti pris et peut-être de mauvaise foi, un article sur Obama et le Honduras publié sur le site américain Common Dreams.
Qui sont-ils ? Qui représentent-ils ? Le visiteur du site n’a aucun moyen de le savoir. Sauf peut-être s’il signale « un abus » et contacte le responsable du site.
Cette tolérance de l’anonymat sur la planète web est l’une des dérives les plus agaçantes et les plus troublantes du journalisme. Elle rompt avec une tradition qui, dans les « vieux médias », imposait aux responsables du courrier des lecteurs de mentionner le nom et le prénom du correspondant et parfois même de vérifier l’identité de cette personne afin d’éviter cet anonymat si propice non seulement aux insultes et aux insinuations mais aussi aux sottises et aux élucubrations.
L’ouverture des pages Internet à des commentaires protégés par des pseudos est une négation de principes éthiques essentiels du journalisme. La déontologie la plus élémentaire nous rappelle que le recours à l’anonymat doit être exceptionnel et ne se justifie que pour protéger une source qui a requis ce privilège dans le cadre de dossiers d’intérêt public ou pour assurer sa sécurité.
Une dégradation du forum public
Cette pratique du « pseudo » contribue par ailleurs le plus souvent à dégrader le discours démocratique. Elle accorde une prime aux extrémistes et aux délateurs et cultive une culture obscène qui rappelle les excès de la presse de caniveau des années d’entre deux-guerres.
Si la liberté de commenter et de critiquer doit être la plus large possible, elle ne peut en aucun cas se faire sous un masque. L’agora démocratique ne peut tolérer des cagoules.
Le moment n’est-il pas venu d’instaurer de nouvelles règles pour les commentaires accueillis sur les sites d’information et en particulier sur ceux des médias « conventionnels » ?
Il ne peut y avoir des « doubles standards » dans le journalisme, l’un pour le média classique, que ce soit un quotidien, une radio ou une télévision, l’autre pour son propre site Web. Car nous sommes bien ici dans la sphère du journalisme et non pas dans celle de la place publique ouverte à tous vents.
Un média qui se réclame du journalisme est un tout et doit respecter les principes du journalisme dans tous ses recoins et sous toutes ses formes. Il doit être prêt, dans cet esprit, à se priver du "trafic" Internet (le mot n'est pas indifférent) créé par ce laxisme dont seuls bénéficient les "commentateurs" les moins fréquentables. J'avoue que parfois je me sens mal d'avoir pour "co-lecteurs" de mes médias favoris ces personnes anonymes qui grognent et grommèlent. D'ailleurs, sont-ils vraiment des "co-lecteurs" ou juste des "chasseurs de primes", sautant d'un média à l'autre juste pour décharger, anonymement, leur Colt.
Ce respect des normes fondamentales devrait permettre de départager, sur Internet, ce qui relève du journalisme et ce qui appartient au forum public.
Hommage donc aux médias qui ont déjà fait ce choix de la transparence. Hommage à leurs « correspondants » qui ont choisi, dans cette jungle, de se présenter sous leur vraie identité.
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Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans