Le Maroc fait figure de pays modéré dans le contexte du monde arabo-musulman et cultive l'image d'une monarchie modernisatrice qui offre des espaces de liberté à la presse.
Depuis quelques années, toutefois, l'ouverture promise par le roi Mohammed VI s'éloigne. La porte patine sur ses gonds et les procès se multiplient contre les journalistes qui franchissent "les lignes rouges".
L'initiative de l'International Freedom of Expression Exchange est exceptionnelle: cette coalition d'organisations de défense de la liberté d'expression, aussi bien internationales qu'arabes, publie rarement des communiqués communs. Elle exprime la gravité de la dégradation de la situation mais aussi l'espoir qui avait été placé dans le Maroc, un pays qui promettait de trancher sur la répression généralisée de la presse dans le monde arabo-musulman.
Pour en savoir plus sur ce pays si proche et si important pour l'Europe, je vous conseille de lire l'essai d'Ali Amar, fondateur de l'hebdo indépendant Le Journal: Mohammed VI, le grand malentendu, paru cette année chez Calmann-Lévy. Et de relayer les préoccupations exprimées ci-dessous par l'IFEX.
(ANHRI/IFEX) - Le 23 octobre 2009 - Les organisations dénoncent les arrestations et le harcèlement incessants contre les journalistes et la presse indépendente:
Nous, soussignées, organisations de défense de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, appelons le gouvernement marocain à cesser sa campagne contre la liberté de la presse, la plus violente qu'ait connu le Royaume depuis l'accession du souverain Mohamed VI au pouvoir en 1999.
Les trois derniers mois (août-octobre 2009) ont été marqués par une recrudescence de la campagne contre la liberté de la presse au Maroc. L'hebdomadaire indépendant francophone "Tel Quel" et sa version arabophone "Nichane" ont été interdits de publication, début août 2009, pour avoir publié un sondage sur la gouvernance de Mohamed VI, jugé outrageant pour le souverain et contraire aux bonnes mœurs.
Le 28 septembre 2008, le ministère marocain de l'Intérieur a fermé les locaux du quotidien indépendant arabophone "Akhbar Al Yaoum" sans décision de justice. Taoufik Bouachrine, directeur de la publication, et le caricaturiste Khaled Keddar ont été poursuivis en justice à la suite de la publication d'une caricature qui constitue, selon le ministère de l'Intérieur, "une atteinte au respect dû à un membre de la famille royale".
Le 15 octobre 2009, le tribunal de première instance de Rabat a condamné Driss Chahtane, directeur de l'hebdomadaire arabophone "Al Michaal", à un an de prison ferme pour avoir publié des articles évoquant la santé du Roi Mohamed VI. Driss Chahtane a été arrêté immédiatement après l'énoncé du verdit, sans attendre la procédure d'appel. Rachid Mahamid et Mustapha Hayrane, deux journalistes travaillant dans le même journal, se sont vus infliger des peines de trois mois de prison ferme et une amende de 5.000 dirhams (environs 655 $US) sans être arrêtés.
Dans une affaire séparée, mais pour les mêmes motifs, Ali Anouzla, directeur du quotidien arabophone "Al Jarida Al Oula", et Bouchra Edaou, journaliste dans le même journal, seront traduits en justice, à Rabat, le 26 octobre 2009, pour publication de fausses informations concernant la santé du Souverain.
Ces procès qui ciblent, essentiellement, la presse indépendante, constituent une régression grave de la liberté de la presse au Maroc et risquent d'anéantir la petite marge de liberté qui existe encore dans ce Royaume. Ils constituent aussi une menace sérieuse pour la liberté de la presse dans le monde arabe, sachant que le Maroc représente un modèle pour les journalistes de la région.
L'emprisonnement des journalistes et l'interdiction des publications au Maroc constituent, faut-il le rappeler, une violation flagrante de l'article 19 (2) du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le gouvernement marocain.
Cet article énonce: "Toute personne a droit à la liberté d'expression; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix".
Nous dénonçons ces procès à caractère politique. Nous dénonçons le harcèlement incessant contre les journalistes qui accomplissent leur devoir professionnel en diffusant des informations que le gouvernement marocain juge comme étant un franchissement des lignes rouges, telles que la santé du Roi ou les affaires de corruption qui intéressent l'opinion publique.
Les organisations arabes et internationales de défense de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, soussignées, expriment leur entière solidarité avec les journaux et les journalistes marocains victimes de ces poursuites judiciaires. Elles appellent le gouvernement marocain à mettre fin à cette campagne contre la liberté de la presse et à abolir les peines privatives de liberté dans les procès de presse. Elles appellent, également, le gouvernement marocain à lever l'embargo imposé au quotidien "Akhbar Al Yaoum" et à l'autoriser à reparaître.
Les organisations signataires:
Arabic Network for Human Rights Information
ARTICLE 19: Global Campaign for Free Expression
Adil Soz - International Foundation for Protection of Freedom of Speech
Arab Archives Institute
Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d'Information
Bahrain Center for Human Rights
Cairo Institute for Human Rights Studies
Canadian Journalists for Free Expression
Center for Media Studies & Peace Building
Centro de Reportes Informativos sobre Guatemala
Comité por la Libre Expresión
Ethiopian Freepress Journalists' Association
Exiled Journalists Network
Freedom House
Greek Helsinki Monitor
Index on Censorship
Institute of Mass Information
International Press Institute
Le Comité pour la protection des journalistes
Maharat Foundation (Skills Foundation)
Media Institute of Southern Africa
Media Rights Agenda
Media Watch
Pacific Freedom Forum
Pacific Islands News Association
Pakistan Press Foundation
Palestinian Center for Development and Media Freedoms
Public Association "Journalists"
Reporters sans frontières
The Egyptian Organization For Human Rights
World Press Freedom Committee
Al-Karamah "Dignity" Foundation for Human Rights, Egypt
Andalus Institute for Tolerance and Anti-Violence Studies, Egypt
Arab Commission for Human Rights
Arab-European Forum for Human Rights
Arab Organization for Supporting the Civil Society and Human Rights
Arabic Program for Human Rights Activists, Egypt
Association for Freedom of Thought and Expression, Egypt
Awlad Alard Organization for Human Rights
Bahraini Association for Human Rights
Bahrain Youth Society for Human Rights
Damascus Center for Theoretical and Civil Rights Studies, Syria
Egyptian Association against Torture
Egyptian Center for Economic and Social Rights
Egyptian Initiative for Personal Rights
Euro-Arab Forum for Freedom of Expression
General Assembly for Human Rights Defenders in the Arab World, France
Hisham Mubarak Law Center, Egypt
Human Rights First Society, Saudi Arabia
Nadeem Center for Psychological Therapy and Rehabilitation of the Victims of Violence, Egypt
One World for Development and Sustainability of Civil Society
Palestinian Human Rights Foundation (Monitor)
Reporters without Rights
Voix Libre pour les Droits de l'homme, Switzerland
Yemeni Organization for the Defense of Democratic Rights and Freedom
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans