jeudi 31 décembre 2009

Brésil: l'armée intimide Lula

Les militaires brésiliens, qui avaient dirigé le pays d’une main de fer entre 1964 et 1985, ne sont pas vraiment rentrés dans leurs casernes. Ils viennent de le rappeler au président Lula en bloquant un projet de loi qui prévoyait notamment la création d’une Commission de la vérité, chargée d’examiner les crimes contre l’humanité commis par l’armée lors de cette période noire.
Le 22 décembre, le ministre de la Défense Nelson Jobim et les commandants suprêmes de l’armée de terre, de la force aérienne et de la marine ont présenté leur démission pour couler ce projet. Et le président a fait marche arrière, bloquant la soumission de ce texte au Congrès.
Durant la dictature, initiée par le coup d’Etat de 1964 contre le gouvernement social-démocrate de Joao Goulart, les militaires se sont rendus coupables d’innombrables crimes et atteintes aux droits de l’Homme. Lors de la période de transition vers la démocratie, ils se sont taillé une loi d’amnistie bien seyante, dont ont également bénéficié les opposants qui s’étaient engagés dans la lutte armée.
Depuis lors, aucun militaire n’a été jugé. Une chape de plomb est tombée sur le pays. L’oubli est devenu une politique officielle, comme s’il était possible de bâtir une vraie démocratie sur le silence et l’impunité.
Rassurés par cette complaisance, les militaires se sont arrangés pour conserver une part importante de leur pouvoir, en contrôlant notamment l’industrie de l’armement, source de prébendes corporatistes, et en gardant la haute main sur la politique de sécurité du pays.
Au cours de ces deux mandats, le président Lula a cherché à amadouer l’armée en approuvant une hausse des contrats d’armements (notamment avec la France). L’émergence du pays comme puissance régionale et globale, les zones de tension aux frontières (Venezuela, Colombie…), le « rééquipement » de nombreuses armées sud-américaines et l’essor exponentiel du trafic de drogue, ont fourni l’alibi de cet accroissement.
Ancien héros de l’opposition au régime militaire, Lula sait, toutefois, que sa réputation et la crédibilité de son parti (Parti des travailleurs) dépendent aussi d’une prise en considération de la mémoire des victimes de la dictature.
Le Tribunal suprême fédéral est en train d’examiner un recours sur la levée de la loi d’amnistie. Si cette loi était supprimée, des procès pourraient être entamés contre des membres de l’Establishment militaire, une perspective qui inquiète le président Lula, très conscient de la démilitarisation insuffisante de son pays et de la persistance du poids de cet Etat profond, fondé sur les services de renseignement, les bandes paramilitaires, grands propriétaires ruraux, qui constitue un garrot autour de la démocratie et de l’Etat de droit.

mercredi 30 décembre 2009

Vers de nouvelles sanctions américaine contre le pouvoir iranien

L'administration Obama prépare de nouvelles sanctions contre les autorités iraniennes. Objectif: frapper au coeur du pouvoir, les Gardes de la Révolution, et protéger la population des effets collatéraux d'une plus grande pression internationale.
A lire: l'article du Washington Post

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/12/29/AR2009122903415_2.html?wpisrc=newsletter

Chine: la politique du bras d'honneur

La Chine, comme toute civilisation millénaire, a le sens des symboles : elle a inculpé Liu Xiaobo le 10 décembre, le jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et l’a condamné à Noël. Guerre sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Son crime ? « Tentative de subvertir l’ordre socialiste ». La Charte 08 qu’il a lancée l’année dernière n’est pourtant pas un brûlot anarchiste. Elle demande tout simplement aux autorités chinoises de respecter leur propre Constitution et les engagements internationaux auxquels elles ont librement souscrit.
Le régime a voulu intimider ceux qui contestent son règne mais il a surtout démontré qu’il n’avait cure des réactions de la communauté internationale. La condamnation à mort, mardi, d’un ressortissant britannique accusé de trafic de drogue est venue confirmer cette politique du bras d’honneur adressé au reste du monde.
Ceux qui avaient voulu ménager la Chine l’été dernier en se gardant de critiquer les Jeux olympiques en sont pour leurs frais. Le gouvernement chinois n’est pas amadoué par la politique d’apaisement et il considère les courbettes comme un signe de faiblesse et non pas comme une marque de respect.
Le Haut Commissaire aux droits de l’homme (la juge sud-africaine Nevanethem Pilay), les Etats-Unis par la voie de son ambassade à Pékin, des chancelleries européennes et bien sûr l’ensemble des organisations internationales de défense des droits de l’homme ont protesté contre ce verdict indigne.
Mais toutes les ambiguïtés n’ont pas disparu. La présidence suédoise de l’Union européenne a bizarrement estimé que la sentence était « disproportionnée », comme si la condamnation de Liu Xiaobo était dans une certaine mesure quand même méritée. Dans sa retenue, l’Europe manque parfois de tenue.
Les dissidents chinois entrent dans une période sombre. Ils estiment en effet qu’ils ne trouveront pas auprès des gouvernements occidentaux l’appui politique dont avaient bénéficié les contestataires de l’ex-bloc soviétique, Andrei Sakharov ou Vaclav Havel. La Chine n’est pas -pas encore ?- une menace stratégique vitale comme le fut l’Union soviétique et elle est une puissance économique émergente qui détient l’une des clés de la sortie de crise.
Dès lors, les droits de l’homme, qui avaient été considérés comme un atout de l’Occident face au Kremlin, sont perçus désormais comme un embarras et une entrave dans les rapports avec la Chine.
Que vaut un dissident face aux bons du Trésor américain ? Que vaut un esprit libre face aux convenances d’Europalia ? De plus en plus dominatrice et sûre d’elle même, la Chine tient l’Occident par la barbichette et démontre, en particulier, l’inconsistance européenne.
Si les gouvernements ont veillé à ne pas aller « trop loin » dans leur dénonciation, toutes les grandes voix morales et intellectuelles, par contre, ont exprimé leur appui au dissident emprisonné. Récemment, à New York, Paul Auster a lu des poèmes qu’il avait adressés à sa femme Liu Xia lors d’un de ses séjours en prison. Liu Xiaobo y décrivait le lever du jour sur un vide immense, les nuits d’amour perdues, le désir d’échapper à ses barreaux et à ses bourreaux.
Un poète accusé d’atteinte à la sécurité de l’Etat ? La dureté du verdict révèle d’abord l’insécurité des autorités et leurs doutes par rapport à leurs propres discours et justifications. Quand un Etat fait un bras d'honneur, il avoue qu'il a perdu son honorabilité.

lundi 14 décembre 2009

Les fantassins de la liberté

Jeudi dernier, sur cette mappemonde meurtrie de mille brasiers d’autoritarisme et de haine, des centaines de milliers de bougies ont brillé dans la nuit. Et elles ont éclairé des centaines de millions de personnes privées de liberté.
Cette année, pourtant, la journée du 10 décembre, qui célèbre l’adoption en 1948 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, avait mal débuté. C’est ce jour emblématique que la Chine a choisi pour inculper Liu Xiaobo de « tentative de subversion de l’Etat ». Ce célèbre dissident, l’un des principaux auteurs de la Charte 08, risque une peine de 3 à 8 ans de prison.
Par ce geste, le gouvernement chinois a voulu indiquer que non seulement il ne se sentait pas tenu par des textes internationaux auxquels officiellement il adhère mais aussi qu’il ne tolérerait aucune pression internationale. Liu Xiaobo figurait, en effet, sur la liste de 11 prisonniers politiques dont Barack Obama avait demandé la libération lors de sa récente visite à Pékin.
Les millions de fantassins de la liberté, militants d’Amnesty International ou activistes des Ligues des droits de l’Homme, ont aussi passé une journée quelque peu orpheline parce que les caméras étaient ailleurs. Elles n’avaient d’yeux que pour Barack Obama à Oslo et pour la conférence sur le changement climatique à Copenhague.
Et pourtant, ces deux événements ont offert un cadre exceptionnel à la journée des droits de l’homme, dans la mesure même où l’état de quiétude ou de belligérance du monde et la santé de la planète ont des conséquences directes sur le respect des droits humains.
L’issue de la guerre en Afghanistan déterminera en grande partie les chances de la démocratie et de la liberté dans cette région convulsée. Elle mettra aussi à l’épreuve les valeurs dont les démocraties occidentales se réclament.
Pour les défenseurs des droits de l’homme, la réflexion ne porte pas seulement sur la notion de « guerre juste », mais aussi sur la manière dont ce conflit sera mené. La doctrine contre-insurrectionnelle, avec son recours aux bombardements aériens et aux milices paramilitaires, a presque toujours débouché sur des bavures et des brutalités, dont les civils ont été les premières victimes. Elle a presque toujours fini par saper l’argument moral invoqué pour justifier la guerre.
Face à ces doutes se profile le spectre tout aussi inquiétant de l’échec, du retour au pouvoir des Talibans et du scénario catastrophe de l’implosion du Pakistan, avec, inévitablement, un désastre pour la liberté, pour la condition des femmes et le sort des minorités.
La conférence de Copenhague sur le changement climatique s’est retrouvée, elle aussi, au cœur de la thématique des droits de l’homme. La dimension guerrière de la crise environnementale n’est plus un scénario de science fiction. Ces dernières années, au Darfour, en Afrique centrale, des centaines de milliers de personnes ont été happées dans des violences en partie provoquées par la dégradation de l’environnement ou par l’exploitation prédatrice des matières premières.
Un peu partout, d’ailleurs, le combat pour l’écologie se confond avec celui des droits de l’homme. De plus en plus, les militants de ces deux mondes, à l’image du lauréat 2009 du Prix Nobel alternatif René Ngongo, se ressemblent et se rassemblent
Ils ont les mêmes rêves de justice et de dignité. Ils ont les mêmes adversaires : les tronçonneurs fous, les empoisonneurs de rivières et les enfumeurs de mégapoles. Ils sont visés par les mêmes assassins : les tueurs à gages des entreprises, des groupes paramilitaires et des bandes criminelles qui tirent profit du massacre de l’environnement.
L’actualité des droits de l’homme ne correspond pas toujours avec les dates commémoratives. Elle surgit souvent à contretemps des calendriers officiels. Ainsi, le 7 décembre, en dépit de la répression brutale, des dizaines de milliers de personnes ont une nouvelle bravé les Basidjis, ces S.A. du régime islamiste. La vague verte a continué à défier l’Ayatolland, cet archipel de l’obscurantisme et de l’arbitraire. Et elle a lancé un magistral pied de nez à tous ceux qui voudraient nous faire croire que les peuples du Sud sont incapables de liberté et de raison.
Le 11 décembre a été tout aussi intense, avec l’ouverture à Buenos Aires du procès de l’ESMA, la sinistre Ecole mécanique de la marine, où, entre 1976 et 1983, des centaines d’opposants à la dictature militaire furent torturés avant d’être drogués, placés à bord d’hélicoptères et projetés dans les eaux de la Plata.
La veille, à Paris, la République française avait honoré de son prestigieux Prix des droits de l’homme une personne sans laquelle, sans doute, ce procès des spadassins argentins n’aurait jamais eu lieu, Horacio Verbitsky, journaliste engagé et figure éminente du CELS (Centre d’études légales et sociales).
Créée lors de la dictature, cette association n’a eu de cesse de dénoncer le terrorisme d’Etat et de collecter des informations sur les disparus. Lorsque les militaires argentins, mis en déroute par Margaret Thatcher aux Malouines, se retirèrent, Horacio Verbitsky et ses amis exigèrent que justice se fasse. Et en dépit des décrets d’amnistie et de la volonté d’amnésie, ils ne baissèrent jamais les bras.
Théoricien du journalisme enquiquineur (« nous sommes le petit caillou dans la chaussure et le sel dans la blessure ») et praticien du journalisme fouineur, Horacio Verbitsky a multiplié au fil des années les révélations sur les turpitudes de l’armée argentine. Ses enquêtes font partie aujourd’hui des dossiers à charge et elles envoient un message sans équivoque à tous les apprentis-dictateurs. « Un jour, la justice vous rattrapera ».
Peu importent, finalement, les « marronniers », ces rendez-vous obligés de l’information. Le 10 décembre, la flamme des bougies a pu paraître frêle, mais elle avait cette « force des sans-pouvoir », comme le disait Vaclav Havel, qui, de Buenos Aires à Téhéran, provoque, tôt ou tard, les basculements les plus lumineux de l’histoire.

mardi 8 décembre 2009

Journaliste? En prison...

Le CPJ (comité pour la protection des journalistes) fait le bilan des journalistes emprisonnés. On y retrouve de plus en plus d'indépendants, c'est-à-dire de freelances.Ils constituent une partie croissante de la profession, ils prennent peut-être plus de risques et ils ne bénéficient pas de la même protection que leurs collègues salariés.

Recensement du CPJ sur les journalistes en prison le 1er Décembre 2009:
les journalistes indépendants en péril

New York, le 8 décembre 2009— Près de 45 pour cent des journalistes emprisonnés dans le monde le 1er Décembre dernier étaient des journalistes indépendants, selon un recensement annuel du Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Cette tendance montant reflète l'évolution de l’entreprise de presse à l'échelle mondiale.

Dans son recensement annuel des journalistes emprisonnés, publié aujourd'hui, le CPJ a relevé un total de 136 personnes, notamment des reporters, des directeurs de publication et des photojournalistes, derrière les barreaux en date du 1er décembre courant, soit 11 de plus qu’en 2008. (Lire les comptes-rendus détaillés de chaque journaliste emprisonné.) Cette hausse est liée à une répression massive en Iran, où 23 journalistes sont actuellement en prison.

La Chine reste le pays qui emprisonne le plus de journalistes au monde, un triste record qu’elle détient depuis 11 années consécutives. L'Iran, Cuba, l'Érythrée, et la Birmanie complètent la liste des cinq nations en tête de cette liste de déshonneur qui comprend 26 pays. Chacune de ces dernières nations s’est constamment classée parmi les pires du monde en matière de détention de journalistes.

Au moins 60 journalistes indépendants sont derrière les barreaux dans le monde, soit près du double du nombre enregistré il ya trois ans. Les recherches du CPJ montrent que le nombre de journalistes travaillant en freelance a augmenté du fait de deux tendances: L'Internet a permis aux journalistes indépendants de faire leurs propres publications, et certains organes de presse, vigilants aux coûts, comptent de plus en plus sur ceux-ci plutôt que sur les employés fixes pour assurer une couverture internationale. Les journalistes indépendants sont particulièrement vulnérables à l’emprisonnement parce qu'ils ne disposent souvent pas de l'appui juridique et financier que les organes de presse peuvent fournir aux employés fixes.

«Les journalistes allaient en mission périlleuse, sachant qu'ils avaient tout le poids institutionnel des organes de presse derrière eux, mais cela régresse au fil du temps », a déclaré le directeur exécutif du CPJ, Joël Simon. « Aujourd'hui, les journalistes sur les lignes de front travaillent de plus en plus de manière indépendante. L'essor du journalisme en ligne a ouvert la porte à une nouvelle génération de reporters, mais cela signifie aussi qu'ils sont vulnérables », a-t-il ajouté.

Le nombre de journalistes en ligne en prison continue d’augmenter depuis une décennie, a découvert le recensement du CPJ. Au moins 68 bloggeurs, des reporters du Web et des éditeurs en ligne sont incarcérés, constituant ainsi la moitié du nombre total de journalistes actuellement en prison. Les journalistes de la presse écrite, les directeurs de publication et les photographes représentent la plus grande catégorie professionnelle suivante, avec 51 cas en 2009. Le reste est constitué de journalistes de radio et de télévision et de documentaristes.

Bien que les allégations de menées antiétatiques, telle que la sédition, soient les accusations les plus couramment utilisées pour emprisonner des journalistes, le recensement du CPJ a permis d'identifier une augmentation alarmante du nombre de cas dans lesquels les gouvernements violent les procédures régulières et ne formulent aucune accusation. Dans 39 cas, soit plus d'un quart du recensement total, les autorités n'ont formulé aucune inculpation formelle. Cette tactique est utilisée par divers pays tels que l'Érythrée, l'Iran et les États-Unis.

Au moins 20 de ces journalistes sont détenus dans des lieux secrets, sans aucune accusation formelle ni procédure judiciaire, un gage de protection juridique. Beaucoup de journalistes sont incarcérés par le gouvernement érythréen, qui a même refusé de confirmer si ses détenus sont encore en vie. Des reportages en ligne non confirmés ont indiqué que trois journalistes emprisonnés en Erythrée seraient morts en détention. Dans son recensement de 2009, le CPJ continue de lister ces journalistes en vue de tenir le gouvernement érythréen responsable de leur sort.

Le nombre de journalistes emprisonnés en Chine a diminué au cours des dernières années, mais, 24 restent encore derrière les barreaux. Parmi les journalistes incarcérés en Chine, figurent 22 journalistes indépendants. Parmi ces prisonniers, figure Dhondup Wangchen, un documentariste qui a été placé en détention en 2008 après avoir réalisé des interviews filmés au Tibet qu’il a envoyé à des étrangers. Un documentaire de 25 minutes intitulé « Jigdrel» (Surmonter la peur), produite à partir de ces interviews, présente des Tibétains ordinaires parlant de leur vie sous le régime chinois. Les autorités de Xining, dans la province du Qinghai, ont ainsi accusé le cinéaste d’incitation au séparatisme.

La plupart des journalistes emprisonnés en Iran, le deuxième plus grand geôlier de journalistes au monde, ont été arrêtés lors de la répression postélectorale du gouvernement contre les dissidents et les médias d’information. Prés de la moitié de ceux-ci est constituée de journalistes en ligne, dont Fariba Pajooh, une journaliste indépendante collaborant avec des journaux en ligne et des stations de radio. Radio France Internationale (RFI) a déclaré que cette journaliste a été accusée de « propagande contre le régime iranien» et qu’elle a subi des pressions pour faire de faux aveux.

« Il n'ya pas longtemps, l'Iran se vantait d'avoir une presse dynamique et vivante » a ajouté M. Simon, soulignant que «lorsque le gouvernement a réprimé la presse écrite, les journalistes se sont consacrés au journalisme en ligne, entrainant ainsi l’essor de la blogosphère persane. Aujourd'hui, beaucoup des meilleurs journalistes de l'Iran sont en prison ou en exil, et le débat public a été muselé parallèlement au mouvement pro-démocratique ».

Cuba, troisième sur la liste, détient 22 rédacteurs et directeurs de publication en prison; tous, sauf deux d'entre eux, ont été arrêtés lors de la massive répression de Fidel Castro contre la presse indépendante en 2003. Beaucoup ont vu leur santé se détériorer dans des prisons inhumaines et insalubres. Parmi ces détenus, figure Normando Hernández González, qui souffre d'affections cardio-vasculaires et de problèmes aux genoux si graves qu’il peut à peine se tenir debout. M. Hernández González a été transféré à un hôpital pénitentiaire en fin octobre dernier.

L'Erythrée, qui vient en quatrième position, comptait 19 journalistes sous les verrous au 1er décembre courant. Les autorités érythréennes ont incarcéré non seulement des journalistes indépendants, mais aussi des journalistes de médias d’État. En début 2009, le gouvernement a arrêté six journalistes de médias d’État soupçonnés d’avoir fourni des informations à des sites Internet basés à l’étranger.

Avec neuf journalistes derrière les barreaux, la Birmanie est cinquième sur la liste. Parmi les journalistes détenus figure le vidéo-journaliste connu publiquement comme «T», qui était le correspondant de l’organe de presse basé à Oslo, la Voix démocratique de Birmanie, et qui avait contribué au tournage d’un documentaire international primé intitulé «Les orphelins du cyclone birman». Le journalisme est si dangereux en Birmanie, l'un des pays au monde où la censure s’applique le plus, que les reporters clandestins tels que « T » constituent un canal d’information crucial pour le monde.

Les nations eurasiennes de l'Ouzbékistan et de l'Azerbaïdjan se classent respectivement sixième et septième sur la liste de déshonneur du CPJ. L'Ouzbékistan a emprisonné sept journalistes, dont Dilmurod Saiid, un journaliste indépendant qui a dénoncé les abus du gouvernement dans le secteur agricole. Quant à L'Azerbaïdjan, il a incarcéré six journalistes et directeurs de publication, y compris le journaliste d'investigation, Eynulla Fatullayev, un lauréat du prix international de liberté de la presse du CPJ en 2009. Un septième journaliste azerbaïdjanais, Novruzali Mamedov, est mort en détention en août dernier, après que les autorités lui ont refusé des soins médicaux adéquats.

Voici d'autres tendances et détails qui ressortent de l'analyse du CPJ:
· Environ 47 pour cent des journalistes dans le recensement sont emprisonnés sous des accusations de menées antiétatiques comme la sédition, la divulgation de secrets d'État, et l’agissement contre les intérêts nationaux, constate le CPJ. Beaucoup d'entre eux sont détenus par les gouvernements chinois, iranien et cubain.
· Dans près de 12 pour cent des cas, les gouvernements ont eu recours à diverses accusations n’ayant aucun lien avec le journalisme pour exercer des représailles contre des rédacteurs, des éditeurs et des photojournalistes contestataires. Ces accusations vont des infractions réglementaires à la possession de drogues. Dans les cas inclus dans ce recensement, le CPJ a déterminé que les accusations étaient plus vraisemblablement formulées en guise de représailles pour le travail des journalistes.
· Les violations des règles de la censure, la seconde accusation la plus courante, sont appliquées dans environ 5 pour cent des cas. La diffamation criminelle, la publication de « fausses » nouvelles et l’ « insulte » à caractère ethnique ou religieuse constituent les autres charges formulées contre les journalistes dans le recensement.
· Les journalistes de la presse en ligne et de la presse écrite constituent le gros du recensement. Les journalistes de radio représentent la seconde plus grande catégorie professionnelle, soit 7 pour cent des cas. Les journalistes de télévision et les documentaristes représentent chacun 3 pour cent des cas.
· Le total de 136 journalistes emprisonnés à travers le monde reflète une hausse de 9 pour cent par rapport à 2008 et constitue le troisième plus grand nombre enregistré par le CPJ au cours des dix dernières années. (Le record de la décennie a été enregistré en 2002, l’année où Le CPJ a recensé 139 journalistes emprisonnés).
· Les États-Unis, qui détiennent en prison le photographe indépendant Ibrahim Jassam, sans inculpation en Irak fait partie des pays qui emprisonnent les journalistes pour la sixième année consécutive. Au cours de cette période, les autorités militaires américaines ont emprisonné de nombreux journalistes en Irak, certains pour plusieurs jours, d'autres pour plusieurs mois, sans inculpation ni procès équitable. Les autorités américaines semblent avoir eu recours à cette tactique moins fréquemment au cours des deux dernières années.

Le CPJ estime que les journalistes ne devraient pas être emprisonnés pour le simple exercice de leur métier. Il a adressé des lettres exprimant ses vives inquiétudes à chacun des pays ayant emprisonné un journaliste. L’année dernière, le plaidoyer du CPJ a permis d’aboutir à la libération d'au moins 45 journalistes emprisonnés.
La liste du CPJ constitue un cliché instantané des journalistes incarcérés à la date du 1er décembre 2009 à minuit. Elle ne comprend pas les nombreux journalistes emprisonnés et libérés au cours de l'année : vous trouverez des récits sur ces cas sur le site www.cpj.org. Les journalistes restent sur la liste du CPJ jusqu'à ce que l'organisation détermine avec une certitude raisonnable qu'ils ont été libérés ou qu'ils sont morts en captivité.
Les journalistes qui ont disparu ou qui ont été enlevés par des entités non gouvernementales, tels que des gangs criminels, des rebelles ou des groupes militants, ne sont pas inclus dans la liste des journalistes emprisonnés. Ils sont classés parmi les journalistes « disparus » ou « enlevés ».