mercredi 30 décembre 2009

Chine: la politique du bras d'honneur

La Chine, comme toute civilisation millénaire, a le sens des symboles : elle a inculpé Liu Xiaobo le 10 décembre, le jour anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et l’a condamné à Noël. Guerre sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Son crime ? « Tentative de subvertir l’ordre socialiste ». La Charte 08 qu’il a lancée l’année dernière n’est pourtant pas un brûlot anarchiste. Elle demande tout simplement aux autorités chinoises de respecter leur propre Constitution et les engagements internationaux auxquels elles ont librement souscrit.
Le régime a voulu intimider ceux qui contestent son règne mais il a surtout démontré qu’il n’avait cure des réactions de la communauté internationale. La condamnation à mort, mardi, d’un ressortissant britannique accusé de trafic de drogue est venue confirmer cette politique du bras d’honneur adressé au reste du monde.
Ceux qui avaient voulu ménager la Chine l’été dernier en se gardant de critiquer les Jeux olympiques en sont pour leurs frais. Le gouvernement chinois n’est pas amadoué par la politique d’apaisement et il considère les courbettes comme un signe de faiblesse et non pas comme une marque de respect.
Le Haut Commissaire aux droits de l’homme (la juge sud-africaine Nevanethem Pilay), les Etats-Unis par la voie de son ambassade à Pékin, des chancelleries européennes et bien sûr l’ensemble des organisations internationales de défense des droits de l’homme ont protesté contre ce verdict indigne.
Mais toutes les ambiguïtés n’ont pas disparu. La présidence suédoise de l’Union européenne a bizarrement estimé que la sentence était « disproportionnée », comme si la condamnation de Liu Xiaobo était dans une certaine mesure quand même méritée. Dans sa retenue, l’Europe manque parfois de tenue.
Les dissidents chinois entrent dans une période sombre. Ils estiment en effet qu’ils ne trouveront pas auprès des gouvernements occidentaux l’appui politique dont avaient bénéficié les contestataires de l’ex-bloc soviétique, Andrei Sakharov ou Vaclav Havel. La Chine n’est pas -pas encore ?- une menace stratégique vitale comme le fut l’Union soviétique et elle est une puissance économique émergente qui détient l’une des clés de la sortie de crise.
Dès lors, les droits de l’homme, qui avaient été considérés comme un atout de l’Occident face au Kremlin, sont perçus désormais comme un embarras et une entrave dans les rapports avec la Chine.
Que vaut un dissident face aux bons du Trésor américain ? Que vaut un esprit libre face aux convenances d’Europalia ? De plus en plus dominatrice et sûre d’elle même, la Chine tient l’Occident par la barbichette et démontre, en particulier, l’inconsistance européenne.
Si les gouvernements ont veillé à ne pas aller « trop loin » dans leur dénonciation, toutes les grandes voix morales et intellectuelles, par contre, ont exprimé leur appui au dissident emprisonné. Récemment, à New York, Paul Auster a lu des poèmes qu’il avait adressés à sa femme Liu Xia lors d’un de ses séjours en prison. Liu Xiaobo y décrivait le lever du jour sur un vide immense, les nuits d’amour perdues, le désir d’échapper à ses barreaux et à ses bourreaux.
Un poète accusé d’atteinte à la sécurité de l’Etat ? La dureté du verdict révèle d’abord l’insécurité des autorités et leurs doutes par rapport à leurs propres discours et justifications. Quand un Etat fait un bras d'honneur, il avoue qu'il a perdu son honorabilité.