vendredi 28 mai 2010

Bruxelles, capitale européenne. Pour combien de temps encore ?

Bruxelles-national. L'expression est symptomatique. Les voyageurs internationaux n’ont guère eu l’impression mercredi soir d’atterrir dans un aéroport international, qui plus est l’aéroport de la capitale de l’Union européenne.
Arrivés sur le quai de la gare SNCB, censée offrir des navettes rapides et fréquentes vers Bruxelles, les voyageurs se sont retrouvés devant un panneau annonçant des retards de 20 à 30 minutes. L’impondérable (une alerte à la bombe à la gare de Schaerbeek) serait acceptable s’il déclenchait un système efficace d’information aux voyageurs. Las ! La SNCB est coutumière de l’incommunication et, de surcroît, à Zaventem, ce soir-là, la seule information que j’entendis le fut, sauf distraction, uniquement en néerlandais.
Quand le train s’ébranla finalement en direction de Bruxelles, il fallut attendre le passage de la frontière linguistique pour que le panneau installé au-dessus de la porte du wagon devienne bilingue, ce qui ne résolvait pas le problème de ceux qui comptent sur leur connaissance même sommaire de l’anglais pour s’y retrouver dans le monde globalisé des gares et des aéroports.
Autour de moi, l’irritation était palpable et j’entendis même quelques jurons et insultes en plusieurs langues à l’encontre de la Belgique et de ses habitants.
Comment ne pas relier cet épisode ferroviaire aux remarques déplaisantes, de plus en plus fréquentes, sur le chaos belge et « les conclusions qu’il faudra un jour en tirer », comme le signalait une journaliste allemande lors du Congrès de la Fédération internationale des journalistes à Cadix.
« Votre pays devient de plus en plus ingérable, ajoutait un collègue danois. Vos conflits communautaires portent atteinte à la législation européenne. Vous vous payez une crise au moment de votre présidence européenne. Méfiez-vous : Bruxelles pourrait bien perdre un jour le siège des institutions ».
Dans les coulisses, Bonn se présente comme une alternative sérieuse et stable, même si l’Allemagne, déjà trop puissante, suscite des réticences. Mais d’autres villes adoreraient pouvoir ravir à Bruxelles cette manne économique et ce prestige qu’offre le titre de capitale européenne ». "Pourquoi pas chez nous", disait, sans rire, un Tchèque, ou chez nous, renchérissait un Autrichien, tout aussi sérieux.
Blabla de congrès, agacements de voyageurs déprimés ? Attention, il y a des limites rouges que la Belgique ferait bien de ne pas franchir. Pour son avenir et celui de ses enfants.

Visa Schengen, ou comment l'Europe se tire dans le pied

La Commission européenne dépense chaque année des millions d’euros pour améliorer l’image de l’Europe dans la monde. Les oreilles ont dû siffler mardi au Berlaymont. Dans son discours d’ouverture du Congrès de la Fédération internationale des journalistes à Cadix (Espagne), Jim Boumelha, le président de cette organisation qui regroupe près d’un demi-million de « travailleurs des médias » n’a pas mâché ses mots. S'adressant à près de 300 journalistes internationaux, il a vivement dénoncé les tracasseries des ambassades européennes et les difficultés rencontrées par les délégués, notamment africains, lors de leurs demandes de visa.
Présente la tribune, la vice-présidente du gouvernement espagnole ne put qu’esquisser qu’un sourire gêné.
« Mais qu’est-ce qu’ils croient, que l’Europe c’est le paradis ? », nous confiait un journaliste africain. « Je n’ai aucune intention de m’y installer. Quand cesseront-ils de nous soupçonner de vouloir émigrer clandestinement ? ».
Une réaction partagée par une majorité des participants du Sud. Les ambassades européennes ne semblent pas comprendre qu’en appliquant avec zèle des directives inadaptées, elles vexent et pour longtemps les guides d’opinion des pays…qui sont la cible des tentatives de séduction de la communication européenne.

samedi 15 mai 2010

Oyez oyez, le New York Times s''est trompé

Avouons-le : nous journalistes n’aimons guère reconnaître nos conflits d’intérêt ni corriger nos erreurs. Il y a de longues années, un chef de service m’avait expliqué la logique de cette attitude : « les lecteurs qui savent corrigeront d’eux-mêmes et ceux qui ne savent pas n’ont pas besoin de savoir ». Imparable.
Ce n’est pas la philosophie du New York Times. Certes, ce journal n’est pas parfait mais, à la différence d’autres, il se soigne. Tous les jours, en page 2, il avoue ses fautes d’orthographes, corrige les citations tronquées, restaure la vérité des légendes des photos, rétablit l’exactitude d’une statistique ou d’une date. En page 2 et non pas en page 25, au centre de la page et non pas tout en bas d’une colonne de petites annonces.
Jeudi 13 mai, on apprenait ainsi qu’une certaine Lisa Daglin s’appelait en fait Lisa Daglian et que le nouveau ministre britannique des affaires étrangères n’était pas William Haig, mais Hague. En tout, 10 corrections sur un quart de page.
Ce même jour, le quotidien new-yorkais a aussi démontré qu’il pouvait parler sans peur ni faveur de l’un de ses actionnaires, le mexicain Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde, selon la revue Forbes.
Dans un article sur le fondateur des Légionnaires du Christ, Marc Lacey et Elisabeth Malkin notent les liens de Carlos Slim avec le révérend Marcial Maciel, un personnage sulfureux, reconnu coupable de multiples abus sexuels et désavoué, très tardivement, par le Saint-Siège.
« M. Slim, écrivent les deux journalistes, est apparu en public avec Maciel jusqu’en 2004, longtemps après la publication des premières accusations portées contre le révérend ».
Et pour que tout soit clair, les auteurs de l’article signalent que Carlos Slim est actionnaire du New York Times.
Et c’est pour cela que le lendemain, j’ai racheté le New York Times. Pour être sûr que la veille je n’avais pas lu des informations erronées. Pour montrer surtout ma reconnaissance à l’égard d’un journal qui place son devoir d’exactitude au-dessus de sa prétention de tout savoir.