mardi 26 janvier 2010

Quand les photos mentent

La réunion de Londres sur l'Afghanistan a rappelé, s'il le fallait, les doutes des pays occidentaux sur leur allié Hamid Karzai. Combien de temps aura-t-il fallu pour se rendre à la réalité et accepter la vraie image du président afghan?
Dans une certaine mesure, ce délai s'explique par la politique de communication internationale des artisans de la politique afghane.
Les photos peuvent être trompeuses et créer des pseudo-réalités. Il y a mille exemples dans l’histoire, mais l’actualité des derniers mois en Afghanistan nous donne un exemple particulièrement achevé de l’illusion photographique.
Rappelez vous les clichés du président Hamid Karzai, son regard intense, sa barbe ciselée, sa coiffe traditionnelle et son manteau majestueux. Combien de personne n’ont-elles pas été impressionnées par cette élégance, au point d’oublier de penser aux actions de ce chef d’Etat, accusé d’avoir été réélu frauduleusement et de tolérer toutes les corruptions?
La même fascination avait joué à l’égard du commandant Massoud qui était certainement préférable aux Talibans, mais dont les convictions et les actions étaient loin de correspondre à la vision idéalisée dont il a bénéficié jusqu’à sa mort tragique.
Aujourd’hui, personne n’a de doutes sur Hamid Karzaï : le président afghan ne peut prétendre à la noblesse morale ou politique que cette photo impliquait. Il est même l’une des entraves majeures à la résolution rationnelle et humaine du conflit afghan. Et les Américains qui ont contribué à créer le mythe s’en mordent aujourd’hui les doigts.
Les journalistes devraient-ils se méfier de l’esthétisme ? Les photojournalistes, non, car il leur appartient de nous donner ces photos emblématiques qui attestent de leur talent. Même si cette considération ne les dispense pas de réfléchir à la réalité qu’ils transmettent.
Mais les journalistes de l’écrit ont l’obligation éthique de « cadrer » la photo, de la légender, c’est-à-dire de lui donner un sens.
Certains journalistes s’en sont abstenus parce qu’ils ont été eux-mêmes séduits. D’autres, plus gravement, se sont tus parce qu’ils ont suivi la thèse occidentale qui faisait de Karzaï le sauveur de l’Afghanistan.
Une photo peut être moins fidèle qu’un tableau cubiste…

samedi 9 janvier 2010

Qui manifeste pour les chrétiens de Malaisie et d'Egypte?

Des Eglises chrétiennes sont incendiées par des bandes d’extrémistes musulmans en Malaisie, sept membres de la minorité copte sont tués en Haute-Egypte. Et personne ne bouge.
La valeur humaine des croyants varierait-elle selon la religion qu’ils professent ? La violence contre des chrétiens serait-elle moins grave que les attaques contre des musulmans? L'assassinat de chrétiens serait-il moins condamnable que la publication des caricatures de Mahomet, un acte qui avait provoqué des explosions de colère dans de nombreux pays musulmans et de vives réprobations au sein des milieux antiracistes européens ?
Où sont les militants de l’inter-culturalité et de l’antiracisme lorsqu'il s'agit de dénoncer les violences et les discriminations contre des religions qu'ils semblent considérer par définition comme occidentales et donc coupables? Ils devraient être dans la rue, comme ils l’ont été, avec raison, lorsque des musulmans subissent agressions ou discriminations.
Le choc des civilisations est inéluctable si l’on juge à diverses aunes les attaques dont sont victimes les minorités religieuses ou philosophiques. Celles-ci ont droit à la même protection et les discriminations et violences dont elles souffrent doivent être dénoncées avec la même vigueur, ici et ailleurs. Dans le respect de l’égalité des droits et de la liberté de conscience. C’est le fondement même de la laïcité et de la philosophie des droits de l’Homme.
On rêverait de voir des Européens tiers-mondistes et des musulmans modérés manifester devant les ambassades d’Egypte et de Malaisie à Bruxelles pour exiger que ces pays garantissent non seulement la protection des chrétiens, mais aussi la fin des discriminations qui font de ceux-ci des citoyens de seconde zone.
Cette mobilisation conforterait les Juifs qui critiquent les politiques de répression et de colonisation menées par le gouvernement israélien dans les territoires palestiniens occupés. Elle renforcerait les catholiques qui sont indignés par la décision de Benoît XVI de canoniser Pie XII et sa volonté de pousser l’Eglise dans l’impasse du passéisme. Elle aiderait les protestants qui s'insurgent contre la croisade menée par des sectes évangéliques réactionnaires en Afrique notamment.
Elle rassurerait tous ceux, ici, qui non seulement parient sur la possibilité de l'islam d'être en phase avec la modernité mais pensent également que les musulmans européens ont, dans ce combat des idées et dans cette solidarité avec toutes les victimes, une responsabilité toute particulière.

mercredi 6 janvier 2010

Humeurs (1). On ne vous transporte pas, on vous roule

Je suis rarement d’humeur vindicative mais comme les départements de « com » de Thalys et d’Eurostar me demandent à tout bout de champ d’aider à améliorer leur service, j’espère que ce petit billet les amènera à corriger certaines de leurs défaillances.
Hier, départ pour Paris au train de 8 h35. Je lis sur le site Thalys que mon train est supprimé mais qu’un autre train, affublé d’un autre numéro, part à la même heure et que je pourrai monter à bord.
Sur le quai, je demande à un employé de Thalys où se trouve la voiture 18 et il m’indique, avec tout l’aplomb de la personne qui sait, la tête du train. Je remonte tout le quai au pas de charge et là, pas de voiture 18.
Une accompagnatrice anglophone m'affirme avec le même aplomb que la voiture 18 est en queue de train. Je repars dans l’autre direction, en maudissant la banane et le croissant que je viens juste d’ingurgiter. La digestion me freine et l’horloge tourne.
Et là, arrivé en queue de train, on me dit qu’il n’y a pas de voiture 18 et que je peux m’installer où je veux.
Où je veux ? Mais il y a des tas de gens qui ont des places réservées et je suis forcé de sautiller d’un siège à l’autre selon le bon plaisir et le mauvais caractère des voyageurs dûment munis de leur titre de transport.
Bon, quand tout s’arrange, le plaisir du Thalys glissant comme une luge fulgurante dans un paysage enneigé me réconcilie avec tout le monde.Je crois même que je me suis endormi...
Le soir,retour sur Bruxelles au train de 19.01. A 18h.01, je reçois un SMS me confirmant ma réservation. J’arrive à la gare du Nord vers 18 h25 et vois s’éloigner un Thalys pour Bruxelles. Pas de problème, dans une demi-heure, je serai « train-borne ». Mais un regard au tableau des départs m’impose un test ophtalmologique. Est-ce que je ne lis pas: Annulé ?
Et oui, me confirme un employé, par ailleurs très amène, de Thalys, il faudra prendre le train suivant de 19h25.
Et puis, dans le froid de cette gare ouverte à tous les vents, traversée de soldats la mitraillette en bandoulière qui tracent leur chemin au milieu de gens qui virevoltent dans tous les sens ou, au contraire, restent plantés, immobiles, comme des sapins de Noël dépités, la petite musique typique des oiseaux de mauvais augure retentit. Le train de 19h25 est annulé.
Bigre, brrr…je sens monter les microbes de la grippe H1N1 au travers des semelles de mes chaussures. Je vois mes compagnons d’infortune grelotter, accrochés à leurs GSM.
Et puis, la petite musique retentit de nouveau. Le départ du train de 20h01 sera annoncé tardivement. Tardivement ? C’est quoi ça ? Personne n’ose bouger de la salle des pas perdus. Personne n’ose sortir pour aller se réchauffer dans un des bistrots d’en face. Tardivement ! Est-ce que c’est assez longtemps pour un chocolat chaud, un Big Mac ou six huîtres d’Oléron ?
Finalement, vers 20h30, le train est annoncé, la foule se rue sur les voitures avec deux classes clairement identifiées : ceux qui ont des réservations pour le train de 20h01 et les autres. La morale n’est pas sauve car ceux qui sont le plus affectés par ces avaries du Thalys sont ceux qui en ont le plus souffert puisqu’ils attendent depuis plus longtemps. Le Thalys, à défaut de suivre ses horaires, suit l'Evangile: les derniers arrivés seront les premiers à s'asseoir.
Dans le fond de ma mémoire, la phrase des mauvaises langues de Mai 68 resurgit: On ne vous transporte pas, on vous roule…
Bon, rien de grave, rien de comparable au chaos d'Eurostar à Noël. Sans rancune donc. Mais bon Dieu de bon sang, au lieu de nous assommer de « com » quand tout va bien, chers directeurs de Thalys ou d’Eurostar, apprenez à communiquer quand ça va mal. Serait-il plus simple de créer un site Web rutilant et chatoyant que d'informer clairement et succinctement sur l'heure des départs?