jeudi 13 août 2009

Bannissons l'anonymat des commentaires internet!

Ils s’appellent Winning Tickets, Tanguero, Obedient Servant. Ils pourraient se nommer Grand Maigre ou Petit Gros. Et ils commentent avec beaucoup de parti pris et peut-être de mauvaise foi, un article sur Obama et le Honduras publié sur le site américain Common Dreams.
Qui sont-ils ? Qui représentent-ils ? Le visiteur du site n’a aucun moyen de le savoir. Sauf peut-être s’il signale « un abus » et contacte le responsable du site.
Cette tolérance de l’anonymat sur la planète web est l’une des dérives les plus agaçantes et les plus troublantes du journalisme. Elle rompt avec une tradition qui, dans les « vieux médias », imposait aux responsables du courrier des lecteurs de mentionner le nom et le prénom du correspondant et parfois même de vérifier l’identité de cette personne afin d’éviter cet anonymat si propice non seulement aux insultes et aux insinuations mais aussi aux sottises et aux élucubrations.
L’ouverture des pages Internet à des commentaires protégés par des pseudos est une négation de principes éthiques essentiels du journalisme. La déontologie la plus élémentaire nous rappelle que le recours à l’anonymat doit être exceptionnel et ne se justifie que pour protéger une source qui a requis ce privilège dans le cadre de dossiers d’intérêt public ou pour assurer sa sécurité.

Une dégradation du forum public
Cette pratique du « pseudo » contribue par ailleurs le plus souvent à dégrader le discours démocratique. Elle accorde une prime aux extrémistes et aux délateurs et cultive une culture obscène qui rappelle les excès de la presse de caniveau des années d’entre deux-guerres.
Si la liberté de commenter et de critiquer doit être la plus large possible, elle ne peut en aucun cas se faire sous un masque. L’agora démocratique ne peut tolérer des cagoules.
Le moment n’est-il pas venu d’instaurer de nouvelles règles pour les commentaires accueillis sur les sites d’information et en particulier sur ceux des médias « conventionnels » ?
Il ne peut y avoir des « doubles standards » dans le journalisme, l’un pour le média classique, que ce soit un quotidien, une radio ou une télévision, l’autre pour son propre site Web. Car nous sommes bien ici dans la sphère du journalisme et non pas dans celle de la place publique ouverte à tous vents.
Un média qui se réclame du journalisme est un tout et doit respecter les principes du journalisme dans tous ses recoins et sous toutes ses formes. Il doit être prêt, dans cet esprit, à se priver du "trafic" Internet (le mot n'est pas indifférent) créé par ce laxisme dont seuls bénéficient les "commentateurs" les moins fréquentables. J'avoue que parfois je me sens mal d'avoir pour "co-lecteurs" de mes médias favoris ces personnes anonymes qui grognent et grommèlent. D'ailleurs, sont-ils vraiment des "co-lecteurs" ou juste des "chasseurs de primes", sautant d'un média à l'autre juste pour décharger, anonymement, leur Colt.
Ce respect des normes fondamentales devrait permettre de départager, sur Internet, ce qui relève du journalisme et ce qui appartient au forum public.
Hommage donc aux médias qui ont déjà fait ce choix de la transparence. Hommage à leurs « correspondants » qui ont choisi, dans cette jungle, de se présenter sous leur vraie identité.

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Criminels de guerre nazis: la Belgique en catégorie X

La Belgique se retrouve parfois en étrange compagnie. Je viens de lire, avec plusieurs mois de retards, le rapport 2009 publié en avril dernier par le Centre Simon Wiesenthal sur l’Opération dernière chance, la campagne menée pour trouver et juger les derniers criminels de guerre nazis.
Et à ma grande surprise, après avoir lu les notes positives sur l’action des Etats-Unis (classés en catégorie A) et sur les initiatives de l’Espagne, de l’Allemagne et de la Serbie (catégorie B), je découvre que la Belgique fait partie de la catégorie X, c’est-à-dire des pays « qui n’ont mené aucune action pour enquêter sur des personnes soupçonnées d’êtres des criminels de guerre nazis durant la période en revue ».
La Belgique est en compagnie de quelques pays respectables, mais aussi à côté de pays qui ont, comme l’Argentine, le Paraguay ou la Bolivie, pas mal de choses à nous raconter sur les milliers d’anciens SS qui trouvèrent refuge sur leurs terres à la fin de la Deuxième guerre mondiale.
Voici le texte exact du rapport.

Category X: Failure to submit pertinent data
Those countries which did not respond to the questionnaire, but clearly did not take any action whatsoever to investigate suspected Nazi war criminals during the period under review.
X: Argentina, Belarus, Belgium, Bolivia, Bosnia-Herzegovina, Brazil, Chile, Colombia, Costa Rica, Czech Republic, France, Great Britain, Luxemburg, Paraguay, Romania, Russia, Slovakia, Slovenia, Uruguay, Venezuela

dimanche 9 août 2009

Le diable est dans les détails...

Le diable est dans les détails, dans les lapsus linguae et les paroles à chaud. Samedi, Le Soir a publié un très intéressant et très inquiétant article de son correspondant à Vienne, Maurin Picard. Le journaliste y décrit les attaques « au fusil, au cocktail Molotov et à la grenade », contre la communauté rom de Hongrie (800.000 personnes sur 10 millions d’habitants). Six Roms ont déjà été assassinés.
Ces actes de terrorisme sont commis par des groupes d’extrême droite, qui se croient tout permis depuis les récentes élections européennes, au cours desquelles le parti ultranationaliste Jobbik a remporté près de 15% des voix.
Le maire d’une petite ville touchée par cette vague de violence s’est dit scandalisé par ces attaques, mais il a eu cette petite phrase qui trahit l’ambiance hongroise dans laquelle se développe le racisme anti-rom. « Nous n’avions jamais eu de tels incidents, a-t-il déclaré. Pas même une gifle n’avait été échangée entre un Rom et un Hongrois ».
Un Rom et un Hongrois ? Mais les Roms de Hongrie ne sont-ils pas hongrois ?
Cette phrase rappelle celle de l’ancien premier ministre français Raymond Barre après l’attentat du 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic à Paris. « Cet attentat odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic», avait-il déclaré.
Des Français ? Les Juifs qui fréquentaient cette synagogue n’étaient-ils pas aussi français que Raymond Barre ? Des Français innocents ? Les Juifs étaient-ils par essence coupables ? On apprit bien plus tard que le "centriste" Raymond Barre, si souvent célébré en Belgique pour sa modération toute démocrate-chrétienne, ne trouvait rien à redire contre le collaborateur Maurice Papon, condamné pour crimes contre l'humanité…et qu'il trouvait même des vertus au leader du Front national, Bruno Gollnisch.

Et même la BBC
Ce matin, le site de la BBC s’est lui aussi laissé piéger par le choix des mots. Relatant une manifestation d’extrême droite à Birmingham qui a débouché sur des bagarres avec des contre-manifestants du Front antifasciste, la BBC note que les « blancs » marchaient contre le « fondamentalisme islamique ».
En reprenant les justifications de ces manifestants, le journaliste leur donne en fait l’avantage sémantique, c’est-à-dire politique, de prétendre qu’ils luttent contre une forme d’extrémisme - et qui ne serait pas contre « le fondamentalisme islamique » ? -, alors que la véritable raison de cette manifestation était de stigmatiser les musulmans en général.
Le diable est dans les détails. Dans "les détails de l'histoire", comme les avait, indignement, définis Jean-Marie Le Pen.

samedi 1 août 2009

Les vacances du contre-pouvoir

Une trentaine de manifestants le 17 juillet sur la Place de la Liberté pour protester contre l’assassinat de Natalya Estemirova, une centaine de personnes le 25 juillet devant l’ambassade d’Iran : le mouvement des droits de l’Homme éprouve beaucoup de mal à mobiliser lors des mois d’été.
Le système institutionnel fonctionne pourtant, les chercheurs d’Amnesty, de HRW ou de la FIDH réagissent, les dénonciations et les alertes n’attendent pas, mais beaucoup de militants et de sympathisants sont en vacances et les médias, relais essentiels, sont eux aussi en mode estivale.
Les "hommes forts" et leurs hommes de main le savent et c’est en toute connaissance de cause qu’ils choisissent, si possible, de frapper pendant les vacances. Les bureaux des ministères des Affaires étrangères, des parlements, des partis politiques et des mouvements sociaux, sont dépeuplés. « Avec un peu de chance », les experts sont absents et les procédures de décision sont grippées.
Voyez le faible écho qu’a reçu l’arrestation le 24 juillet du défenseur des droits de l’Homme, e Golden Misabiko, en RDC. Ou l’attaque de l’armée nigériane contre une secte « talibane » au cours de laquelle de graves violations des droits de l’homme auraient été perpétrées.
Dans les régimes autoritaires, il n’y a jamais de vacance du pouvoir. Il va falloir dès lors trouver une manière d’éviter la vacance du contre-pouvoir.