La réunion de Londres sur l'Afghanistan a rappelé, s'il le fallait, les doutes des pays occidentaux sur leur allié Hamid Karzai. Combien de temps aura-t-il fallu pour se rendre à la réalité et accepter la vraie image du président afghan?
Dans une certaine mesure, ce délai s'explique par la politique de communication internationale des artisans de la politique afghane.
Les photos peuvent être trompeuses et créer des pseudo-réalités. Il y a mille exemples dans l’histoire, mais l’actualité des derniers mois en Afghanistan nous donne un exemple particulièrement achevé de l’illusion photographique.
Rappelez vous les clichés du président Hamid Karzai, son regard intense, sa barbe ciselée, sa coiffe traditionnelle et son manteau majestueux. Combien de personne n’ont-elles pas été impressionnées par cette élégance, au point d’oublier de penser aux actions de ce chef d’Etat, accusé d’avoir été réélu frauduleusement et de tolérer toutes les corruptions?
La même fascination avait joué à l’égard du commandant Massoud qui était certainement préférable aux Talibans, mais dont les convictions et les actions étaient loin de correspondre à la vision idéalisée dont il a bénéficié jusqu’à sa mort tragique.
Aujourd’hui, personne n’a de doutes sur Hamid Karzaï : le président afghan ne peut prétendre à la noblesse morale ou politique que cette photo impliquait. Il est même l’une des entraves majeures à la résolution rationnelle et humaine du conflit afghan. Et les Américains qui ont contribué à créer le mythe s’en mordent aujourd’hui les doigts.
Les journalistes devraient-ils se méfier de l’esthétisme ? Les photojournalistes, non, car il leur appartient de nous donner ces photos emblématiques qui attestent de leur talent. Même si cette considération ne les dispense pas de réfléchir à la réalité qu’ils transmettent.
Mais les journalistes de l’écrit ont l’obligation éthique de « cadrer » la photo, de la légender, c’est-à-dire de lui donner un sens.
Certains journalistes s’en sont abstenus parce qu’ils ont été eux-mêmes séduits. D’autres, plus gravement, se sont tus parce qu’ils ont suivi la thèse occidentale qui faisait de Karzaï le sauveur de l’Afghanistan.
Une photo peut être moins fidèle qu’un tableau cubiste…
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans