samedi 15 mai 2010

Oyez oyez, le New York Times s''est trompé

Avouons-le : nous journalistes n’aimons guère reconnaître nos conflits d’intérêt ni corriger nos erreurs. Il y a de longues années, un chef de service m’avait expliqué la logique de cette attitude : « les lecteurs qui savent corrigeront d’eux-mêmes et ceux qui ne savent pas n’ont pas besoin de savoir ». Imparable.
Ce n’est pas la philosophie du New York Times. Certes, ce journal n’est pas parfait mais, à la différence d’autres, il se soigne. Tous les jours, en page 2, il avoue ses fautes d’orthographes, corrige les citations tronquées, restaure la vérité des légendes des photos, rétablit l’exactitude d’une statistique ou d’une date. En page 2 et non pas en page 25, au centre de la page et non pas tout en bas d’une colonne de petites annonces.
Jeudi 13 mai, on apprenait ainsi qu’une certaine Lisa Daglin s’appelait en fait Lisa Daglian et que le nouveau ministre britannique des affaires étrangères n’était pas William Haig, mais Hague. En tout, 10 corrections sur un quart de page.
Ce même jour, le quotidien new-yorkais a aussi démontré qu’il pouvait parler sans peur ni faveur de l’un de ses actionnaires, le mexicain Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde, selon la revue Forbes.
Dans un article sur le fondateur des Légionnaires du Christ, Marc Lacey et Elisabeth Malkin notent les liens de Carlos Slim avec le révérend Marcial Maciel, un personnage sulfureux, reconnu coupable de multiples abus sexuels et désavoué, très tardivement, par le Saint-Siège.
« M. Slim, écrivent les deux journalistes, est apparu en public avec Maciel jusqu’en 2004, longtemps après la publication des premières accusations portées contre le révérend ».
Et pour que tout soit clair, les auteurs de l’article signalent que Carlos Slim est actionnaire du New York Times.
Et c’est pour cela que le lendemain, j’ai racheté le New York Times. Pour être sûr que la veille je n’avais pas lu des informations erronées. Pour montrer surtout ma reconnaissance à l’égard d’un journal qui place son devoir d’exactitude au-dessus de sa prétention de tout savoir.