mercredi 21 octobre 2009

Chine et Guinée: ne fais pas aux autres...

L’accord de coopération économique signé entre la Chine et le gouvernement militaire au pouvoir en Guinée a été très mal reçu par l’Union européenne, les Etats-Unis et la Communauté des pays d’Afrique de l’Ouest.
Annoncé quelques jours après le massacre par l’armée d’au moins 150 personnes dans le stade de Conakry, ce contrat a suscité l’indignation de l’opposition guinéenne et de l’ensemble des organisations de défense des droits de l’homme.
Il ressemble aussi à une provocation. Pékin déclare urbi et orbi que la volonté ou la prétention de l’UE et des Etats-Unis de fonder les relations internationales sur un socle minimal de respect des droits de l’homme sont illusoires et que ceux qui s’en réclament sont des naïfs ou des hypocrites.
La Chine envoie constamment deux messages à la communauté internationale : d’un côté, elle exprime son souci d’apparaître comme un partenaire fiable et respectable ; de l’autre, elle applique, au nom du dogme du respect de la souveraineté nationale des pays partenaires, une politique étrangère qui appuie les régimes parias, du Soudan à la Birmanie.
Les pays européens et les Etats-Unis ont évidemment des raisons de se tortiller lorsqu’ils maugréent face à la politique chinoise. Ils ont de plus en plus adopté ces derniers mois une attitude conciliation à l’égard de Beijing, en raison notamment de l’importance cruciale de l’économie chinoise pour sortir de la crise. Et ils sont loin d’appliquer à la lettre les principes qui, rhétoriquement, guident leurs politiques. Les « doubles standards » restent la règle et les pays semoncés par l’UE sont en général des pays sans grande importance économique ou stratégique.
Le respect des droits de l’homme, toutefois, n’est pas seulement le souci des « belles âmes ». La brutalité des militaires guinéens représente un danger non seulement pour leur population, mais aussi pour l’ensemble d’une région extrêmement fragile, l’Afrique de l’Ouest, qui subit de plein fouet la crise économique mondiale et qui est rongée par l’explosion du trafic de drogue, en provenance d’Amérique latine et en direction de l’Europe.
En d’autres termes, les violations des droits de l’homme en Guinée représentent aussi un enjeu de nature stratégique et il serait judicieux que la Chine se concerte avec l’UE, les Etats-Unis et l’Afrique pour éviter que ses initiatives commerciales n’attisent les tensions et n’accélère l’effondrement d’un Etat.
Si la Chine veut mériter la réputation amène dont elle se targue, si elle veut aussi éviter d’être perçue par les démocrates guinéens comme une nouvelle puissance coloniale aussi arrogante que la vieille Europe, elle doit cesser de se comporter comme si l’on était encore au XIXe siècle, temps des concessions et de la canonnière sur le Yang Tsé. Sinon, elle pourrait être la cible, en Afrique, d’une « révolte des Boxers ».
Le nationalisme africain n’est pas différent du nationalisme chinois : il se nourrit lui aussi de l’humiliation et du ressentiment provoqués par la domination, l’exploitation et l’oppression. Le trésor des proverbes chinois ne contiendrait-il pas celui qui dit: "ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse?"