Un certain nombre de lecteurs nous ont demandé ce que représentait vraiment « cette Amérique qui fait peur », que nous avons décrite et dénoncée dans notre chronique du Soir, le 6 octobre. Nous y évoquions en effet une extrême droite « minoritaire mais non pas marginale ».
John Nichols, correspondant à Washington de l’hebdomadaire de gauche The Nation, nous apporte un début de réponse. Prenant pour cibles les « brailleurs médiatiques, comme Glenn Beck sur Fox News, Rush Limbaugh ou Sean Hannity, il les crédite d’une audience bien plus minuscule que celle dont ils se réclament pour affirmer qu’ils représentent la « seule, la vraie Amérique » : 2%, voire 5% pour le plus connu d’entre eux, Rush Limbaugh.
Il est vrai que l’ « extrême extrême droite », incarnée par les partis nazis, les groupes de suprématie blanche ou les « milices » ne constituent qu’un pourcentage minime de la population américaine. Mais toutes les associations et institutions chargées de les surveiller estiment que ce caractère assez groupusculaire ne leur enlève pas leur dangerosité. Les extrémistes de droite s’infiltrent en effet au sein des institutions publiques, notamment les forces armées, comme l’a reconnu un rapport officiel américain, et dans des groupes religieux fondamentalistes, qui disposent d’un réel pouvoir électoral et médiatique.
Plusieurs questions découlent de ces constats. Comment ces extrémistes arrivent-ils à s’imposer sur la scène médiatique, voire à imposer les thèmes et le ton du débat politique ? Dans quelle mesure, le parti républicain, de plus en plus contrôlé par sa frange la plus conservatrice, sert-il de canal à des discours politiques agressifs ?
Comme il y a eu en France une « lepénisation des esprits », dans la même mesure aussi où les discours intégristes religieux (chrétiens, musulmans, juifs, hindouistes…) colorent en partie l’ensemble des communautés que ces factions extrémistes prétendent représenter, le danger se trouve à l’intersection des mouvements extrémistes et des partis traditionnels.
Et c’est ce rôle d’interface que jouent les « brailleurs » médiatiques. Ils prennent des idées sur leur extrême droite en uniformes bruns et leur mettent un costume-cravate pour entrer dans les living rooms des « good Americans » et dans les bureaux des Républicains conservateurs.
En relayant certains discours, en soulignant certains thèmes, en adoptant le ton agressif typique de l’extrême droite, en côtoyant en public des groupes extrémistes, certains dirigeants du Parti républicain jouent à la roulette russe. Soit ils se mettent en dehors du débat respectable pour une génération, ce qui serait souhaitable pour la sérénité de la scène politique américaine, soit ils légitiment en partie l’extrémisme et s’en rendent complices.
A suivre.
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans