Le 19 décembre à Santiago, devant un parterre de personnalités de la droite latino-américaine et espagnole, Mario Vargas Llosa, Prix Nobel de Littérature 2010, a prononcé un discours politique qui a été retenu de manière assez différente par ceux qui l’ont entendu.
L’AFP a choisi de résumer la conférence de l'écrivain en titrant sur sa condamnation de l’islamisme radical. L’auteur a effectivement comparé l’islamisme au communisme du temps de la guerre froide, sans lui prêter toutefois la même force.
Rien de bien neuf, en fait, dans ces propos: Vargas Llosa a régulièrement critiqué les périls de l’intégrisme musulman dans ses chroniques du quotidien El Pais. En quoi sa déclaration était-elle une « nouvelle » justifiant la publicité que lui a donnée l’AFP?
Etrangement, dans son résumé du discours, le site de Libertad y Desarrollo, le centre d’études conservateur qui a accueilli l’écrivain péruvien, ne consacre qu’une seule ligne à cette mise en garde à propos de l’islamisme.
En fait, la déclaration la plus importante de ce discours aurait pu être ce que la dépêche de l’AFP mentionne tout à la fin de son texte : la condamnation par le très libéral Vargas Llosa des mesures liberticides adoptées par les gouvernements démocratiques pour combattre le terrorisme et l’extrémisme. « La terreur a souvent conduit les démocraties à renoncer à des conquêtes démocratiques fondamentales, mais nous ne pouvons pas nous le permettre. La démocratie ne peut commencer à utiliser les armes des terroristes », a-t-il déclaré.
Mettre cette analyse en titre aurait eu, sans doute, plus de sens car l’auditoire de l’écrivain était composé de chefs d’Etat peu suspects de tolérance à l'égard du radicalisme islamique mais directement visés par sa mise en garde en faveur des libertés, en particulier l’ancien président espagnol Aznar, partisan de la guerre en Irak, et l’ex-chef d’Etat colombien Alvaro Uribe.
Le journalisme est un exercice étrange qui permet de créer, d'imposer, diront certains,la hiérarchie des informations et de mettre en exergue des faits par rapport à d'autres. Au risque de déformer la représentation du monde.
Si l'on se réfère à la recension de Libertad y Desarrollo, le discours de Mario Vargas Llosa, apparemment consacré selon la dépêche de l’AFP à l’islam radical, a autant, sinon davantage, traité de la fin du communisme, de la corruption en Amérique latine, de la répression à Cuba et des menaces d’autoritarisme au Venezuela…
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans