L’audition sur la Hongrie organisée mardi 11 janvier au Parlement européen par le groupe libéral (ALDE) a connu un succès inédit. Des dizaines de journalistes, de parlementaires, de représentants d’ONG et de diplomates se sont entassés dans une salle bien trop petite pour contenir ceux que préoccupe l’adoption en décembre dernier d’une loi sur la presse éminemment contestable.
(Lire à ce sujet la lettre adressée au premier ministre Viktor Orban par le Comité de protection des journalistes de New York, www.cpj.org).
Présidée par Guy Verhofstadt, cette session a donné la parole à des adversaires de la loi mais aussi à un partisan du gouvernement hongrois et à la Commission européenne, gardienne des traités, appelée à juger de la compatibilité de cette loi avec la législation européenne.
Le témoignage de György Konrad a ouvert la séance. Célèbre dissident de l’époque communiste, écrivain, G. Konrad a dénoncé l’émergence d’un régime de « démocrature », mélange inquiétant de démocratie et de dictature. Il a aussi mis en garde contre le retour du paternalisme, de l’étatisme et du nationalisme, à contrecourant de la démocratie libérale.
Miklos Haraszti, ancien représentant de l’OSCE sur la liberté des médias, a décrit cette loi comme « le sommet de l'iceberg d’un projet politique visant à démanteler systématiquement les garanties constitutionnelles et la séparation des pouvoirs ».
Un peu isolé au milieu de cet environnement libéral, György Schöpflin, député européen du Fidesz (le parti au pouvoir à Budapest) et membre du Parti populaire européen, a tenté de répondre aux dénonciateurs de la "dérive hongroise". Mais au lieu de tacler point par point les assertions des orateurs, il s’est obstiné à vitupérer un complot anti-hongrois ourdi par l’opposition hongroise et la presse d’Europe de l’ouest !
Neelie Kroes, commissaire européenne pour l’agenda digitale et membre du parti libéral hollandais de droite (VVD), n’a pas esquivé ses responsabilités. Après avoir évoqué la directive audiovisuelle qui pourrait avoir été violée par Budapest, elle a souligné le risque d’une remise en cause de valeurs fondamentales de l’Union européenne. Elle s’est engagée également à étudier avec le plus grand sérieux la loi hongroise, en exprimant le souhait que la Hongrie « prendra toutes les mesures pour que la nouvelle loi sur les médias s’applique dans le respect entier des valeurs européennes relatives à la liberté de la presse et des lois européennes correspondantes ».
Le cas hongrois est un test pour l’Union. Comme le signalait Sophie In ‘t Veld, parlementaire européenne de D66 (libéraux de gauche hollandais), « il ne s’agit pas d’une question technique de conformité avec une directive, mais bien des valeurs mêmes de l’Union ».
Selon Maroun Labaki, du Soir, citant des sources proches de la présidence de la Commission, Jose Manuel Barroso voudrait trouver au plus vite une solution car il craint que ce dossier n'entrave la présidence hongroise de l'Union. Il aurait également dit à M. Orban lors d'une rencontre vendredi à Budapest,qui "si cette loi n'était pas une erreur juridique (M. Barroso ne préjuge pas de l'enquête de la commission), elle était déjà une erreur politique".
La semaine prochaine, le premier ministre hongrois sera à Strasbourg pour présenter les priorités de sa présidence européenne. Gageons que les défenseurs de la liberté de la presse et les tenants d’un projet européen fondé sur des valeurs démocratiques l’attendront de pied ferme.
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans