La tuerie de Tucson a déchaîné l’industrie du spin aux Etats-Unis. Placés sur la défensive, les Républicains tentent d’éteindre le feu de prairie qui menace d’embraser leur réputation d'Américains probes, travailleurs et vertueux.
La gauche, les « libéraux » et les démocrates, en général, pointent du doigt, en effet, le discours violent de nombre de représentants ou de sympathisants du Grand Old Party.
« Rien ne prouve que le tueur ait été influencé par les campagnes de Sarah Palin ou du Tea Party », notent les Républicains, qui soulignent le dérangement psychologique de l’assassin.
Sans doute, mais les Républicains doivent réfléchir à leurs actes. En parrainant Sarah Palin pour en faire sa colistière en 2008, John McCain a introduit le loup dans la bergerie et cautionné un courant politique extrémiste.
Les Républicains doivent aussi réfléchir à leurs discours. Fondés sur le manichéisme le plus caricatural, émaillés de références guerrières, flattant l’ignorance abyssale et l’intolérance butée de leurs électeurs, ils ont trop souvent contribué à dégrader gravement la qualité et la tonalité de la démocratie.
Insulter ses adversaires, les diffamer, utiliser à leur encontre des analogies propres aux méthodes expéditives du Far West, les traiter d’antipatriotes, créent inévitablement une atmosphère dangereuse, un air vicié, que respirent à pleins poumons toutes les personnes paranoïaques ou dérangées.
Ces dernières années, des auteurs et des personnalités politiques respectables avaient mis en garde contre ces dérives. Ce n’est pas un hasard si l’ancien vice-président Al Gore a intitulé son essai paru en 2006, "L’assaut contre la raison », et que l’une des meilleures analystes de l’état d’esprit de l’Amérique, Susan Jacoby, dénonçait dans un récent livre "L’âge de la déraison américaine ».
Les Etats-Unis ne sortiront pas de cette tragédie en décrétant des mesures techniques de protection des politiciens ou en augmentant leur surveillance des groupes et individus extrémistes. Le président Obama ne peut se limiter à en appeler à l’union nationale. Celle-ci n'est pas crédible si elle n'exige pas une réflexion de fond sur ce vitriol, comme le disait le sheriff de Tucson, qui ravage la vie politique américaine, particulièrement dans l'Etat d'Arizona.
La tuerie de Tucson démontre qu’il faut mettre en œuvre une politique portant sur des questions fondamentales : la législation insensée sur les armes, la tolérance de l’incitation directe à la haine, la crétinisation et la crapulisation des esprits par une industrie médiatico-populiste d’une vulgarité sans bornes.
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans