mercredi 5 janvier 2011

Hongrie: George Soros et les failles du projet européen

La controverse suscitée par la nouvelle loi de la presse en Hongrie me rappelle une conversation avec George Soros, le 26 octobre dernier à Bruxelles. Lors d’un déjeuner, avenue Louise,en compagnie de quelques journalistes internationaux, le célèbre financier et philanthrope d’origine hongroise avait tenu à mettre en exergue la nécessité de profiter de la présidence hongroise de l'Union européene pour améliorer la situation des Roms en Europe.
Au cours de la conversation, qui avait très vite dévié vers la crise de l’Euro, George Soros avait toutefois souligné une ambiguïté de la construction européenne. « Le seul moment où l’Europe peut réellement faire avancer les choses dans un pays, déclarait-il, c’est quand celui-ci est encore candidat à l’adhésion ».
En d’autres termes, l’Union européenne a beaucoup de mal à faire adopter parmi ses Etats-membres les principes et critères qu’elle exige des pays tiers, notamment lorsque ceux-ci négocient leur intégration européenne.
Cette thèse est confirmée par les cas de la Roumanie et de la Bulgarie. L’adhésion de ces deux pays, presque tout le monde en convient, a été prématurée. Bruxelles peine aujourd’hui à corriger les « failles » (corruption, criminalité, etc.) décelées lors du processus d’adhésion.
Lors de ce déjeuner, George Soros s’était également inquiété de l’avenir de l’Europe en tant que « société ouverte ». Le succès électoral du parti hongrois d’extrême droite, Jobbik, montre que le national-populisme a exploité bien mieux que les partis progressistes ou modérés les sentiments de frustration et d’angoisse provoqués par l’insécurité économique et sociale.
C’est dans ce contexte et en tenant compte de ces sombres perspectives qu’il faut aborder la question de la loi de la presse en Hongrie. Il ne s’agit pas d’un « combat corporatiste » de journalistes, mais le test des valeurs européennes. La Commission européenne, gardienne des traités, ne pourra s’en tirer cette fois par une pirouette ou un communiqué exprimant sa « préoccupation ».