vendredi 19 décembre 2008

Cuba se moque de l'Union européenne

Ceux qui espéraient que le retrait de Fidel Castro coïncide avec une ouverture politique ne sont guère rassurés. Au moment où le Groupe de Rio, réuni dans la station balnéaire brésilienne de Costa do Sauipe, accueillait Raul Castro et intégrait Cuba en son sein, le Parlement européen, réuni à Strasbourg pour le 20e anniversaire des prix Sakharov, ne pouvait que constater l’immobilisme du régime. En dépit d’un respect scrupuleux des procédures règlementant l’octroi de visas, les lauréats cubains du Prix Sakharov, Oswaldo Paya et les Dames en blanc, n’ont pas reçu de permis de sortie. (Les lauréats ont été représentés à Strasbourg par Adam Mascaro Paya et Blanca Reyes, cette dernière exilée à Madrid).
Ce refus de La Havane est un défi lancé à l’Union européenne. Sous la pression du gouvernement socialiste espagnol, Bruxelles avait décidé en effet, en juillet dernier, de lever les sanctions imposées en 2003 à Cuba à la suite d’une vague d’arrestations sans précédent de journalistes et de dissidents.
L’UE, qui avait justifié cette levée des sanctions par sa volonté « d’encourager les premiers pas de Raul Castro sur le chemin de l’après Fidel », s’était engagée à surveiller de près l’évolution de la situation des libertés à Cuba. « La levée des sanctions nous donnera un moyen plus efficace de nous occuper des droits de l’homme », avait estimé le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères.
Force est de reconnaître que la nouvelle méthode européenne n’a pas eu les effets escomptés. La détente n’est pas à l’ordre du jour à Cuba. En refusant d’accorder des visas de sortie aux lauréats du prix européen le plus prestigieux, La Havane démontre que son interprétation de la levée des sanctions diffère radicalement de celle avancée par l’UE. .
Interdit de sortie, Oswaldo Paya, dirigeant du Mouvement chrétien libération (et vice-président de l’Internationale démocrate du centre présidée par l’ancien chef d’Etat mexicain Vicente Fox), (http://www.oswaldopaya.org/), a mis en garde l’Union européenne : « Si l’UE et ses Etats membres, menés par le gouvernement espagnol, continuent de réduire leurs exigences en matière de respect des droits de l’homme et, sous le prétexte du dialogue, de prendre leurs distances à l’égard de ceux qui défendent les droits de l’homme, cela ne servira qu’à voiler et justifier les violations des droits du peuple cubain ».
La Tchéquie, adversaire résolue du régime castriste, pourrait être tentée, au cours de sa prochaine présidence de l’UE, de remettre en cause l’engagement européen à l’égard de Cuba. A première vue, toutefois, une politique de durcissement pourrait sembler aller à contre-courant. L’Amérique latine plaide pour le « pluralisme » des régimes : à l’axe des « amis indéfectibles de la révolution cubaine » (Argentine, Bolivie, Equateur, Nicaragua, Paraguay), constitué autour du président vénézuélien Hugo Chavez, s’ajoute une série de pays beaucoup plus réticents à l’égard du régime, comme le Chili ou le Brésil, mais qui croient pouvoir faire d’une normalisation des relations avec La Havane un levier de l’ouverture politique.
Cuba est aujourd’hui moins isolée que lors de la crise économique des années 1990. Fort de l’appui que leur accorde le groupe de Rio, ayant renoué avec la Russie, commerçant avec la Chine, La Havane espère également que Barack Obama allègera les sanctions imposées par l’administration Bush, voire lèvera l’embargo (partiel) imposé il y a près de 50 ans.
Est-ce que cette décrispation aura pour conséquence une plus grande ouverture ou au contraire, donnera-t-elle confiance à un régime qui se fonde essentiellement sur le pouvoir militaire et le népotisme ? Les cérémonies du 50e anniversaire de la victoire castriste risquent de fournir l’occasion d’une réaffirmation de la « justesse du modèle castriste » et de dénonciation des dissidents comme autant de nostalgiques de l’Ancien Régime.
Cette question pour politologues et diplomates ne doit en aucun cas servir de prétexte à un oubli des droits de l’homme. L’ouverture cubaine ne se fera pas ou se fera dans de mauvaises conditions si les pays et les mouvements démocratiques n’appuient pas résolument les dissidents cubains, et en premier lieu ceux qui défendent une transition pacifique vers un système de libertés et de justice sociale. Ce qui est taxé d’ingérence par La Havane relève, en fait, du devoir de solidarité.
http://www.sakharovnetwork.rsfblog.org/