dimanche 22 février 2009

Le "lapsus" d'Hillary Clinton en Chine

Hillary Clinton a commis sa première fausse note lorsqu’elle a déclaré, jeudi à Pékin, que les « droits de l’homme ne devaient pas interférer avec la crise économique globale, la crise globale du changement climatique et les crises qui touchent à la sécurité ».
Même si la secrétaire d’Etat a précisé qu’elle continuerait à faire pression sur la Chine au sujet des droits de l’homme et du Tibet, sa « relativisation » des droits de l’homme est très mal passée. L’organisation américaine Human Rights Watch, qui avait accueilli avec sympathie et espoir l’intronisation de la nouvelle équipe gouvernementale, a réagi immédiatement. Pour que cette fissure dans les promesses de changement du président Obama ne devienne pas rapidement une crevasse.
« Ces remarques lancent un message erroné au gouvernement chinois », a estimé HRW. L’argumentation de l’organisation n’est pas seulement éthique, elle procède aussi d’une approche réaliste des relations internationales : les droits de l’homme, loin d’être des entraves, sont des leviers de la lutte contre la crise économique, le changement climatique et le terrorisme.
« La liberté pour la presse, pour les whistleblowers (Nda : ceux qui dénoncent la corruption) et pour les esprits critiques est essentielle pour empêcher la dégradation de l’environnement qui menace la Chine et le monde, écrit HRW ; les violations du droit social et l’absence d’état de droit déstabilisent l’économie chinoise qui fait partie de l’économie globale ; l’aide sans conditions à des gouvernements coupables de graves violations des droits de l’homme mine la paix et la sécurité internationales ».

Définir le ton
L’approche adoptée par la secrétaire d’Etat prend à rebrousse-poil les responsables des principales organisations américaines de défense des droits qui, le 12 février dernier, lui avaient demandé de saisir l’occasion de sa première tournée officielle en Asie pour « définir le ton de l’administration Obama ».
Elle contredit également le rapport très fouillé rédigé par l’ancien directeur d’Amnesty International-USA, William Schulz, pour le Center for American Progress, un centre jugé très proche de l’administration Obama, puisqu’il est dirigé par John Podesta, qui fut le co-président de l’équipe de transition Obama-Biden. (Strategic Persistence. How the United States Can Help Improve Human Rights in China, http://www.americanprogress.org/ )
Dans ce rapport, Willam Schulz insiste lui aussi que « les droits de l’homme sont dans l’intérêt de la Chine » et que la nécessité de « comprendre la Chine » ne signifie qu’il faille « fermer les yeux » sur ses abus.

Jugée à une aune plus exigeante
Lapsus linguae ? Infléchissement dans le changement promis ? Au cours des prochaines semaines, les défenseurs des droits de l’homme devraient être fixés. L’administration Obama, qui a été créditée positivement pour l’adoption de mesures aussi symboliques que l’annonce de la fermeture du camp de Guantanamo ou l’interdiction de la torture, sera jugée selon des critères bien plus exigeants que ceux qui s’appliquaient à l’administration Bush.
Le président Obama est dès lors sous surveillance et le mouvement des droits de l'homme ne lui accordera aucune circonstance atténuante. Si certains responsables d'associations sont prêts à lui donner du temps, d'autres ont déjà exprimé leurs critiques, notamment à l'encontre de l'orientation de la politique contre-terroriste, jugée trop "continuiste" par rapport à celle de l'administration Bush, notamment en n'excluant pas la poursuite des renditions (le transfert illégal de prisonniers de la CIA vers des pays tiers), même si celles-ci ne pourront pas amener des détenus dans des pays utilisant la torture. Kenneth Roth, le directeur de HRW, s'est inquiété par ailleurs du refus, jusqu'ici, d'entamer une investigation indépendante sur les actes de torture perpétrés lors de l'administration Bush.
Le mouvement américain des droits de l'homme, durci par les 8 années de présidence Bush, attend un réel changement. Et il est persuadé que, dans un monde menacé par les extrémismes, les intégrismes et les autoritarismes, les Etats-Unis doivent jouer un rôle de leadership mondial pour défendre les droits et les libertés.