dimanche 8 février 2009

Le nombril n'est pas un droit de l'homme

La vie quotidienne et l’actualité mondiale ne cessent de nous rappeler l’extraordinaire capacité des êtres humains à revendiquer pour leurs droits, même si cette attitude écrase ceux des autres.
La philosophie de l’action en faveur des droits de l’homme, faut-il le rappeler, implique au moins le respect de deux critères : la responsabilité des conséquences et la cohérence des principes.
Ces deux règles d’or supposent que ceux qui se réclament des droits de l’homme pèsent les conséquences de leurs actions en usant des mêmes critères pour eux-mêmes et pour les autres. Combattre le terrorisme dont on a été victime exige de ne pas recourir au terrorisme contre ses adversaires. Dénoncer l’exploitation coloniale et impérialiste a pour corollaire de respecter la dignité des plus faibles au sein de sa propre société. Combien de fois n’ai-je pas vu en Amérique latine des « progressistes » rabrouer vulgairement leur « personnel de maison » ou regarder avec dégoût des Indiens ou des mendiants.
Gaza nous a aussi rappelé cet impératif. De quelle légitimité morale peuvent se réclamer un Etat ou un mouvement politique lorsqu’ils pratiquent tous deux la terreur ? Cette exigence morale est encore plus pressante si l’Etat se présente comme une démocratie et se réfère à une histoire marquée par l’oppression et le génocide. Mais elle n'est pas moindre pour ceux qui défendent le Hamas comme s'il s'agissait d'une organisation progressiste. A quelle légitimité progressiste peut prétendre le Hamas alors qu'il se fonde sur une interprétation réactionnaire de l'islam, s'acoquine avec des Etats voyous, élimine ses opposants et envoie des missiles imbéciles et indiscriminés sur des populations civiles israéliennes ?

Grévisme et nationalisme
Dans un registre moins dramatique, bloquer un pays par une grève générale demande aussi que les grévistes s’assurent que les droits les plus essentiels (le droit à la vie dans les hôpitaux, l'assistance aux plus démunis ou aux sans-abri, par exemple) ne soient pas transgressés. L’égoïsme corporatiste se drape parfois dans le manteau de la solidarité et camoufle ses individualismes sous les mythes de l’action collective.
De même, défendre ses propres droits (à la langue, à l’indépendance) n’a aucune légitimité morale si cette action méprise les droits des autres. C’est ce qui rend nulles et non avenues les revendications nationalistes archéo-modernes, de la Flandre au Pays Basque. Il n’y a rien de plus contradictoire que de voir des représentants de ces communautés « dominatrices et sûres d’elles-mêmes » s’identifier aux indiens zapatistes ou aux rebelles tchétchènes.

Les droits de l’home ne souffrent pas seulement d'être bafoués. Ils souffrent aussi d'être manipulés, dévoyés, détournés par des personnes, des groupes et des Etats qui ont une conception myope du monde et dont le nombril est la vraie ligne d’horizon.