samedi 13 novembre 2010

Une cyberattaque chinoise?

La Chine a-t-elle lancé une cyber-offensive contre les organisations internationales qui la critiquent ? La semaine dernière, les employés du Comité de Protection des Journalistes de New York (Nda: dont je suis senior advisor) ont reçu un courriel d’invitation personnelle à la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix, en décembre à Oslo. Il y a quelques jours, c’était au tour d’Amnesty International Hong Kong de recevoir ce message.
L’invitation contenait un dossier attaché- sous la forme d’un document PDF Adobe- qui cachait un malware, c’est-à-dire un virus particulièrement malicieux capable de prendre possession de l’ordinateur, de créer ou d’éliminer des dossiers, de détourner l’ordinateur pour attaquer d’autres cibles ou, plus simplement, d’enregistrer l’activité de l’Internaute.
Pour en savoir plus sur ce malware, je vous conseille de lire le blog de Danny O’Brien, coordinateur Internet du Committee to Protect Journalists.

http://cpj.org/internet/2010/11/that-nobel-invite-mr-malware-sent-it.php

lundi 8 novembre 2010

La Chine se mêle de nos affaires

Depuis l'octroi du Prix Nobel de la Paix à Liu Xiaobo, la Chine n'a de cesse de condamner l'outrecuidante ingérence des pays occidentaux dans ses affaires intérieures. Or, violant elle-même ces principes de souveraineté, elle s'est lancée dans une campagne globale d'intimidation afin de perturber la cérémonie de remise du Prix en décembre prochain à Oslo.
Les ambassades chinoises ont fait des démarches auprès de plusieurs pays, dont la Belgique.
La réponse des pays démocratiques sera un test. Déjà certaines d'entre elles se sont gardées de demander la libération de Liu Xiaobo, se limitant à féliciter le lauréat pour son Prix.
A Oslo, il faudra donc prendre les présences pour s'assurer que personne ne cesse au chantage de la Chine, une puissance décrite par certains comme "benveillante" et "tranquille".

vendredi 16 juillet 2010

Tunisie, sous la plage les cachots

Les dictateurs n’attendent pas toujours les vacances pour perpétrer leurs mauvais coups, comme je prévenais dans un précédent article, mais c’est tellement plus facile de frapper lorsque le soleil de juillet –ou la furie des orages en Europe – détournent l’attention du public.
Le régime tunisien du président Ben Ali vient, en tout cas, de démontrer que si des centaines de milliers de touristes se prélassent sur les plages, lui, ne prend pas de vacances.
Les autorités viennent en effet de renvoyer en prison Fahem Boukadous, correspondant de la chaîne de télévision satellitaire Al-Hiwar al-Tunisi, alors qu’il venait de quitter l’hôpital où il avait été traité pour problèmes respiratoires.
Boukadous a été condamné à 4 ans de prison sous l’accusation « d’association criminelle ». En fait, comme le rappelle le Comité de protection des journalistes (CPJ, New York), il avait surtout, au grand déplaisir du gouvernement, couvert des protestations sociales dans la région minière de Gafsa en 2008.
Les Etats-Unis se sont dits "profondément inquiets" d'un recul des libertés en Tunisie et la France a affirmé son attachement "à la liberté d'expression" en Tunisie suite à l'annonce du verdict.
Rappelons que la Tunisie est en passe de recevoir le « statut avancé » de l’Union européenne, une décision qui devra normalement être prise lors de la présidence belge.

vendredi 28 mai 2010

Bruxelles, capitale européenne. Pour combien de temps encore ?

Bruxelles-national. L'expression est symptomatique. Les voyageurs internationaux n’ont guère eu l’impression mercredi soir d’atterrir dans un aéroport international, qui plus est l’aéroport de la capitale de l’Union européenne.
Arrivés sur le quai de la gare SNCB, censée offrir des navettes rapides et fréquentes vers Bruxelles, les voyageurs se sont retrouvés devant un panneau annonçant des retards de 20 à 30 minutes. L’impondérable (une alerte à la bombe à la gare de Schaerbeek) serait acceptable s’il déclenchait un système efficace d’information aux voyageurs. Las ! La SNCB est coutumière de l’incommunication et, de surcroît, à Zaventem, ce soir-là, la seule information que j’entendis le fut, sauf distraction, uniquement en néerlandais.
Quand le train s’ébranla finalement en direction de Bruxelles, il fallut attendre le passage de la frontière linguistique pour que le panneau installé au-dessus de la porte du wagon devienne bilingue, ce qui ne résolvait pas le problème de ceux qui comptent sur leur connaissance même sommaire de l’anglais pour s’y retrouver dans le monde globalisé des gares et des aéroports.
Autour de moi, l’irritation était palpable et j’entendis même quelques jurons et insultes en plusieurs langues à l’encontre de la Belgique et de ses habitants.
Comment ne pas relier cet épisode ferroviaire aux remarques déplaisantes, de plus en plus fréquentes, sur le chaos belge et « les conclusions qu’il faudra un jour en tirer », comme le signalait une journaliste allemande lors du Congrès de la Fédération internationale des journalistes à Cadix.
« Votre pays devient de plus en plus ingérable, ajoutait un collègue danois. Vos conflits communautaires portent atteinte à la législation européenne. Vous vous payez une crise au moment de votre présidence européenne. Méfiez-vous : Bruxelles pourrait bien perdre un jour le siège des institutions ».
Dans les coulisses, Bonn se présente comme une alternative sérieuse et stable, même si l’Allemagne, déjà trop puissante, suscite des réticences. Mais d’autres villes adoreraient pouvoir ravir à Bruxelles cette manne économique et ce prestige qu’offre le titre de capitale européenne ». "Pourquoi pas chez nous", disait, sans rire, un Tchèque, ou chez nous, renchérissait un Autrichien, tout aussi sérieux.
Blabla de congrès, agacements de voyageurs déprimés ? Attention, il y a des limites rouges que la Belgique ferait bien de ne pas franchir. Pour son avenir et celui de ses enfants.

Visa Schengen, ou comment l'Europe se tire dans le pied

La Commission européenne dépense chaque année des millions d’euros pour améliorer l’image de l’Europe dans la monde. Les oreilles ont dû siffler mardi au Berlaymont. Dans son discours d’ouverture du Congrès de la Fédération internationale des journalistes à Cadix (Espagne), Jim Boumelha, le président de cette organisation qui regroupe près d’un demi-million de « travailleurs des médias » n’a pas mâché ses mots. S'adressant à près de 300 journalistes internationaux, il a vivement dénoncé les tracasseries des ambassades européennes et les difficultés rencontrées par les délégués, notamment africains, lors de leurs demandes de visa.
Présente la tribune, la vice-présidente du gouvernement espagnole ne put qu’esquisser qu’un sourire gêné.
« Mais qu’est-ce qu’ils croient, que l’Europe c’est le paradis ? », nous confiait un journaliste africain. « Je n’ai aucune intention de m’y installer. Quand cesseront-ils de nous soupçonner de vouloir émigrer clandestinement ? ».
Une réaction partagée par une majorité des participants du Sud. Les ambassades européennes ne semblent pas comprendre qu’en appliquant avec zèle des directives inadaptées, elles vexent et pour longtemps les guides d’opinion des pays…qui sont la cible des tentatives de séduction de la communication européenne.

samedi 15 mai 2010

Oyez oyez, le New York Times s''est trompé

Avouons-le : nous journalistes n’aimons guère reconnaître nos conflits d’intérêt ni corriger nos erreurs. Il y a de longues années, un chef de service m’avait expliqué la logique de cette attitude : « les lecteurs qui savent corrigeront d’eux-mêmes et ceux qui ne savent pas n’ont pas besoin de savoir ». Imparable.
Ce n’est pas la philosophie du New York Times. Certes, ce journal n’est pas parfait mais, à la différence d’autres, il se soigne. Tous les jours, en page 2, il avoue ses fautes d’orthographes, corrige les citations tronquées, restaure la vérité des légendes des photos, rétablit l’exactitude d’une statistique ou d’une date. En page 2 et non pas en page 25, au centre de la page et non pas tout en bas d’une colonne de petites annonces.
Jeudi 13 mai, on apprenait ainsi qu’une certaine Lisa Daglin s’appelait en fait Lisa Daglian et que le nouveau ministre britannique des affaires étrangères n’était pas William Haig, mais Hague. En tout, 10 corrections sur un quart de page.
Ce même jour, le quotidien new-yorkais a aussi démontré qu’il pouvait parler sans peur ni faveur de l’un de ses actionnaires, le mexicain Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde, selon la revue Forbes.
Dans un article sur le fondateur des Légionnaires du Christ, Marc Lacey et Elisabeth Malkin notent les liens de Carlos Slim avec le révérend Marcial Maciel, un personnage sulfureux, reconnu coupable de multiples abus sexuels et désavoué, très tardivement, par le Saint-Siège.
« M. Slim, écrivent les deux journalistes, est apparu en public avec Maciel jusqu’en 2004, longtemps après la publication des premières accusations portées contre le révérend ».
Et pour que tout soit clair, les auteurs de l’article signalent que Carlos Slim est actionnaire du New York Times.
Et c’est pour cela que le lendemain, j’ai racheté le New York Times. Pour être sûr que la veille je n’avais pas lu des informations erronées. Pour montrer surtout ma reconnaissance à l’égard d’un journal qui place son devoir d’exactitude au-dessus de sa prétention de tout savoir.

dimanche 14 mars 2010

Jean Ferrat et la Rafle du Vel' d'Hiv

Pourquoi nous a-t-il fait ça ? Partir, nous quitter, alors que sur les écrans de France et de Navarre, des dizaines de milliers de personnes séchaient leurs larmes en regardant un film, la Rafle, qui rappelait si tragiquement l’une de ses chansons les plus graves et les plus émouvantes ?
Nuit et brouillard sur le Vel d’Hiv et les camps du Loiret.
« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers, Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent ».

Jean Ferrat était né Jean Tenenbaum et son père est mort à Auschwitz. Il était l’un de ces « indésirables », l’une de ces « vermines », dont la France de la bonne conscience confite et de l’eau bénite voulait se débarrasser.
Jean Ferrat, le « métèque », l’ « étranger », a contribué par ses chansons, sa tendresse, son engagement, à la grandeur d’un pays qui a toujours été le sien non seulement parce qu’il y était né mais surtout parce qu’il a incarné l’esprit de la France éternelle, c’est-à-dire l’expression en français d’une conception universelle de l’humanité.

Honte à la France officielle, celle des pétainistes et des suivistes. Dans la Rafle, elle apparaît dans toute sa bassesse: l'épicière qui ne vend que des produits aryens, le gendarme qui donne "sa parole d'officier français" que les raflés ne quitteront pas la France, les vautours qui se ruent sur les biens juifs abandonnés, les fonctionnaires qui font consciencieusement et immoralement leur boulot et qui, à la Libération, seront promus pour leur zèle.

Cette France-là, cette France tout aussi éternelle des racistes et des frontistes, n’aurait jamais pu chanter que « la montagne est belle », elle était incapable «d’aimer à perdre la raison », elle se serait moquée de « que serais-je sans toi ».

Honte à ceux qui pendant des années imposèrent le silence sur cette ignominie, en prétendant que toute la France avait été résistante.
« Les Allemands guettaient du haut des miradors, chante Jean Ferrat.
La lune se taisait comme vous vous taisiez,
En regardant au loin, en regardant dehors,
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers. »

La Rafle nous rappelle, et à beaucoup elle apprend, qu’il y avait aussi des Français qui guettaient du haut des miradors, que les 4000 enfants du Vel d'Hiv furent aussi poussés par des mains françaises, celles des gendarmes, dans les camions et les trains de la mort.

Honte à ceux qui protégèrent les tueurs et les collabos, comme ce René Bousquet qui apparaît dans ce film comme le complice misérable de la barbarie nazie.
Honte au « vichysto-résistant » François Mitterrand, qui protégea cet assassin.

Comme le déclara Pierre Moscovici, du parti socialiste, lorsqu’il apprit les liens entre Bousquet el celui qui avait incarné les rêves de la gauche. « Ce qui me choque c’est qu’il ait pu frayer avec quelqu’un qui a été un outil de l’antisémitisme d’État et un complice de la solution finale du Reich. On ne peut pas tolérer d’être tolérant envers le mal et, pour moi, René Bousquet c’était le mal absolu ».

Allez voir la Rafle, écoutez les chansons de Ferrat.
« On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire »,

Rappelez-vous quand même qu'il y eut des Justes, des Français qui cachèrent des Juifs et dont le film rappelle furtivement l'action.

Au moment où l’Italie fiche les Roms, au moment où le populisme d’extrême droite progresse en Flandre, aux Pays-Bas, en Autriche ou en Hongrie, refusons l’oubli et le pardon.
Pour éviter que Serge Reggiani ne chante : « Les loups, les loups, sont entrés dans Paris. »