Le détroit de Floride se rétrécit. Depuis l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche, les Etats-Unis et Cuba semblent vouloir établir leurs tumultueuses relations sur d’autres bases que l’idéologie et la confrontation.
Lundi, une délégation parlementaire étatsunienne était à La Havane où elle s’est entretenue avec le président Raul Castro. Quelques jours plus tôt, un projet de loi avait été déposé au Congrès avec l’appui de parlementaires démocrates et républicains en vue de restaurer le droit des citoyens américains à se rendre librement à Cuba. Début mars, le Congrès avait déjà voté en faveur de la levée des restrictions imposées par l’administration Bush qui entravaient la visite des Cubains-américains sur l’île et le transfert d’argent à leurs familles.
S’approcherait-on de la levée de l’embargo, du « blocus » comme le dénonce avec quelque outrance, le gouvernement cubain ? Les pressions se font de plus en plus insistantes en effet afin de convaincre Washington de mettre un terme à une politique imposée 47 ans plus tôt au moment de la Guerre Froide.
En fait, l'embargo au lieu d'isoleer Cuba a fini par isoler Washington. Depuis plusieurs années, aux Nations Unies, l’ensemble des Etats-membres demandent régulièrement la fin de l’embargo, une résolution rejetée uniquement par 3 pays, les Etats-Unis, Israël et les îles Palau.
Les organisations de défense des droits de l’homme comme Human Rights Watch ou Amnesty International appuient également cette demande, en estimant que l’embargo est non seulement à l’origine de violations de droits humains (liberté de circulation, liberté d’expression, accès aux médicaments, etc.), mais aussi qu’il a échoué à favoriser la démocratisation.
Ce camp des adversaires de l’embargo a été renforcé dernièrement par de puissants lobbies économiques qui voient avec agacement leurs concurrents européens, latino-américains, chinois et indiens, s’installer sur l’île. La perspective d’exploitation pétrolière dans les eaux territoriales cubaines a aiguisé leur volonté de normaliser les relations avec La Havane. Pourquoi, argument-ils, ne commerçons-nous pas avec Cuba alors que nous n’avons aucun problème à traiter avec la Chine ou l’Arabie saoudite ?
Le poids de l'histoire
Les raisons de ce long blocage sont multiples : elles tiennent à la fois à l’histoire (la victoire castriste fut un coup de tonnerre dans les relations interaméricaines car de pays-colonie américaine, Cuba devint la tête de pont du bloc soviétique dans l’arrière-cour » des Etats-Unis »), à la psychologie (le sentiment d’impuissance de la superpuissance étatsunienne face à ce qui ressemblait à un « moustique des Caraïbes » et la « névrose obsidionale » cubaine alimentée par des années de tentatives de déstabilisation) et à la politique électorale (la communauté cubaine exilée qui fait la pluie et le beau temps dans des Etats importants comme la Floride et le New Jersey bénéficie également d’un large appui au sein des milieux conservateurs américains).
Il ne sera pas donc facile pour le président Obama de détricoter d’un seul coup un demi-siècle de contentieux. Le vice-président Joe Biden l’a réaffirmé lors de sa récente tournée en Amérique latine : pas question de lever l’embargo sans ouverture politique à Cuba.
Si les deux pays semblent souhaiter une normalisation, ils en attendent toutefois des résultats diamétralement opposés. Raul Castro table sur ce scénario pour renforcer son régime communiste, menacé par l’impact de la crise mondiale alors que Barack Obama considère la décrispation comme un levier de la démocratisation.
Les organisations de défense des droits humains font le même pari et il ne pourrait être question pour elles de confondre un nécessaire « engagement » avec un abandon de la « diplomatie de la liberté ».
A suivre donc…