Le diable est dans les détails, dans les lapsus linguae et les paroles à chaud. Samedi, Le Soir a publié un très intéressant et très inquiétant article de son correspondant à Vienne, Maurin Picard. Le journaliste y décrit les attaques « au fusil, au cocktail Molotov et à la grenade », contre la communauté rom de Hongrie (800.000 personnes sur 10 millions d’habitants). Six Roms ont déjà été assassinés.
Ces actes de terrorisme sont commis par des groupes d’extrême droite, qui se croient tout permis depuis les récentes élections européennes, au cours desquelles le parti ultranationaliste Jobbik a remporté près de 15% des voix.
Le maire d’une petite ville touchée par cette vague de violence s’est dit scandalisé par ces attaques, mais il a eu cette petite phrase qui trahit l’ambiance hongroise dans laquelle se développe le racisme anti-rom. « Nous n’avions jamais eu de tels incidents, a-t-il déclaré. Pas même une gifle n’avait été échangée entre un Rom et un Hongrois ».
Un Rom et un Hongrois ? Mais les Roms de Hongrie ne sont-ils pas hongrois ?
Cette phrase rappelle celle de l’ancien premier ministre français Raymond Barre après l’attentat du 3 octobre 1980 contre la synagogue de la rue Copernic à Paris. « Cet attentat odieux qui voulait frapper les Juifs se trouvant dans cette synagogue a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic», avait-il déclaré.
Des Français ? Les Juifs qui fréquentaient cette synagogue n’étaient-ils pas aussi français que Raymond Barre ? Des Français innocents ? Les Juifs étaient-ils par essence coupables ? On apprit bien plus tard que le "centriste" Raymond Barre, si souvent célébré en Belgique pour sa modération toute démocrate-chrétienne, ne trouvait rien à redire contre le collaborateur Maurice Papon, condamné pour crimes contre l'humanité…et qu'il trouvait même des vertus au leader du Front national, Bruno Gollnisch.
Et même la BBC
Ce matin, le site de la BBC s’est lui aussi laissé piéger par le choix des mots. Relatant une manifestation d’extrême droite à Birmingham qui a débouché sur des bagarres avec des contre-manifestants du Front antifasciste, la BBC note que les « blancs » marchaient contre le « fondamentalisme islamique ».
En reprenant les justifications de ces manifestants, le journaliste leur donne en fait l’avantage sémantique, c’est-à-dire politique, de prétendre qu’ils luttent contre une forme d’extrémisme - et qui ne serait pas contre « le fondamentalisme islamique » ? -, alors que la véritable raison de cette manifestation était de stigmatiser les musulmans en général.
Le diable est dans les détails. Dans "les détails de l'histoire", comme les avait, indignement, définis Jean-Marie Le Pen.
Atlantic notes (1)
Il y a 7 ans