samedi 9 mai 2009

Des journalistes contre la liberté

Les célébrations sont terminées, les discours sont parqués sur les disques durs. Rendez-vous au 3 mai de l’année prochaine, autre ville, mêmes participants, même heure.
La journée internationale de la liberté de la presse est un moment privilégié pour les organisations de défense de la liberté d’expression et, surtout, pour les journalistes de pays autoritaires qui s’y voient reconnus et célébrés.
Mais cette communion solennelle des vertueux et des preux ne doit pas nous faire oublier qu’il y a des journalistes ennemis de la liberté qui appuient et justifient la répression et la censure.
Le hasard a voulu que je lise, à l’approche de cette date symbolique du 3 mai, l’extraordinaire enquête du journaliste écrivain Francisco Goldman sur l’assassinat en 1998 de Mgr Gerardi, évêque de Guatemala et figure de proue de la lutte pour les droits de l’homme. Son livre The Art of Political Murder, considéré comme l’un des meilleurs du genre et salué par l’ensemble de la critique littéraire, ne dénonce pas seulement les réseaux occultes enkystés au sein des services de police et de renseignements d’une prétendue « démocratie » rongée par l’arbitraire et l’impunité. Il jette également un regard cru sur les manipulations et la malfaisance de médias et de journalistes qui ont choisi le camp des assassins.
La défense de la liberté de la presse s’exerce au bénéfice de tous les journalistes, que l’on partage ou non leurs points de vue, mais elle ne doit pas empêcher de juger avec sévérité les dérives de certains journalistes qui se comportent comme des sténographes de pouvoirs autoritaires ou de camarillas meurtrières.
Il y a bien sûr des journalistes condamnés par (presque) tous : les brailleurs génocidaires de Radio Télévision des Mille Collines au Rwanda en 1994, les caporaux des radiotélévisions officielles lors des guerres balkaniques. Mais le monde de la « grande presse » comporte aussi des éditorialistes, des éditeurs, des reporters qui ne souffrent pas de cet opprobre alors qu’ils manipulent l’information en faveur des dictatures, qu’ils diffament les démocrates et qu’ils cautionnent les attaques contre les journalistes « insolents ».
« Nous sommes dans la même profession, mais nous ne faisons pas le même métier », avait déclaré fameusement l’ex-rédacteur en chef du Monde et fondateur du site Mediaparts, Edwy Plenel. Du journal chilien Mercurio qui défendit la dictature du général Pinochet à la presse nationaliste turque, des journaux français qui, durant la guerre d’Algérie, défendirent la torture, aux éditorialistes américains qui, après le 11 septembre, accusèrent de trahison leurs collègues les plus indépendants, la profession compte un bon nombre de gens qui, chaque jour, trahissent ses principes les plus fondamentaux.
La journée du 3 mai ne devrait pas seulement célébrer la liberté de la presse, elle devrait réserver ses louanges aux plumes de la liberté et à eux seuls. Elle devrait rompre avec le corporatisme en osant dénoncer ceux qui exhibent leurs cartes de presse pour mieux cacher la muselière qu’ils veulent imposer à leurs collègues mal-pensants.