Raul Alfonsin, le premier président démocratique après la brutale dictature militaire qui terrorisa l’Argentine entre 1976 et 1983, est mort à Buenos Aires à l’âge de 82 ans. Chef de file de l’Union civique radicale, partisan de la « gauche du possible », cet homme digne, épris de liberté, attaché à l’Etat de droit, s’opposa courageusement à la Junte militaire durant son règne assassin. Avocat, il prit la défense des militants de gauche enlevés par les sbires du régime.
Arrivé à la Casa Rosada après le choc provoqué par la défaite de l'armée argentine dans la guerre des Malouines (Nda: en 1982, l'invasion des îles Falklands, sous contrôle britannique, démontra que l'armée argentine savait mieux assassiner des civils désarmés que combattre des soldats de sa Majesté), il annula le décret d’auto-amnistie que s’étaient offerts les militaires, il promut la création de la Commission nationale sur les disparus (Conadep) dirigée par l’écrivain Ernesto Sabato. Il amena également les hauts-gradés devant les tribunaux, donnant ainsi un appui exceptionnel à la lutte mondiale contre l’impunité.
Ce démocrate convaincu, cet homme de convictions fortes et d’instincts modérés, fut assailli lors de sa présidence par les puissantes institutions qui avaient permis la dictature : l’armée qui, par l’intimidation prétorienne, le força à passer les lois du Point final et de l’Obéissance due, remettant en cause les poursuites entamées contre les dirigeants et exécutants de la dictature ; l’Eglise catholique qui combattit bien plus sa loi sur le divorce qu’elle ne s’opposa aux tueurs et aux tortionnaires de la Junte.
L’arrêt des jugements fut vivement critiquée à l’époque par les démocrates. Sa politique économique, accablée par le poids de la dette accumulée par la junte, fut confrontée aux protestations attisées par des syndicats péronistes beaucoup moins remuants sous l'ancienne dictature.
Toutefois, l’Argentine démocratique passa très vite l’éponge sur ces « incidents » d’un parcours par ailleurs éminemment respectable.
« Sous son gouvernement, déclarait hier le CELS, l’une des plus importantes organisations de défense des droits humains, le jugement des militaires a marqué une étape décisive dans la lutte pour la justice et la vérité et a représenté un exemple pour le monde entier dans le combat contre les crimes de lèse-humanité ».
« Raul Alfonsin mérite toute notre reconnaissance, a renchéri Estela Carlotto, de l’Association des grands-mères de la Place de Mai. Il nous a écoutées, il a constamment collaboré avec nous pour que nous puissions retrouver la trace de nos enfants et petits-enfants. Aujourd’hui est un jour d’une grande tristesse ».